Cet article est le deuxième de la série consacrée au profil hétérogène de QI. On avait commencé à définir le profil hétérogène dans le premier article, en mentionnant les écarts entre les indices du test. Dans cet article, on va s’arrêter davantage sur l’incertitude. Le ressenti. Quand le profil hétérogène bouscule les attentes.
L’aspiration à la linéarité, au profil homogène.
On y aspire tous un peu, à cette linéarité rassurante: cause et effet, question et réponse, test et diagnostic. Secrètement, on espère que le test de QI va tracer une ligne droite à travers le brouillard de nos doutes. On se dit, « après tout ce temps, je vais enfin savoir. » Pour certains d’entre nous, le désir d’alignement, de se voir reflété dans un chiffre clair ou une catégorie nette, est presque physique. Intense.
*Note : je tiens à préciser que lorsque je parle de mal-être et de questionnement identitaire, je ne l’associe pas au haut potentiel. Ici, il est question de celles et ceux qui passent un test dans le but d’obtenir des informations sur leur fonctionnement car ils ressentent précisément un mal-être ou ont des troubles. Ce n’est pas la majorité des personnes surdouées, mais ce sont celles à qui je m’adresse, sans généraliser. Pour plus d’informations, vous pouvez lire les articles “C’est quoi être HPI” ainsi que “Statistiques sur les surdoués”.
Confrontation avec le réel : profil hétérogène.
Mais voilà, le test révèle parfois un profil hétérogène et avec lui, une ironie cruelle. Celle d’être en quête de simplicité et de se retrouver face à une réalité encore plus nuancée, plus complexe.
On se sent presque trahi.e par la promesse non tenue d’une résolution. Par ce processus qui devait apporter des réponses et qui, en fin de compte, semble poser encore plus de questions.
Ce moment où l’on espérait une réponse linéaire devient celui où notre complexité est validée. Mais où notre sentiment d’isolement peut s’intensifier. L’annonce d’un profil hétérogène bouscule les attentes, tout en reconnaissant une spécificité.
La quête d’une case.
On voulait une case, un titre, une désignation quelconque qui nous aiderait à comprendre pourquoi on se sent différent. Une indication, des conseils pour avancer. On pensait avoir une carte précise. Souvent, on a eu l’impression de ne pas avoir de place dans le monde. On a aperçu un groupe de profils similaires qui semblait nous tendre les bras, ça a satisfait notre besoin d’appartenance…
Et puis, alors qu’on s’approche…
À la place, on se retrouve avec un éventail de possibilités et d’incohérences qui ne nous donnent pas la quiétude de l’appartenance. On se demande où aller quand le chemin n’est pas balisé, comment naviguer quand la carte est un kaléidoscope changeant.
Un décalage dans le décalage
Lorsqu’on nous dit que notre “intelligence” ne suit pas un chemin uniforme, qu’elle oscille et varie selon les indices, la sensation de décalage se multiplie. On pensait avoir trouvé une explication, un cadre pour notre différence, qui nous rapproche un peu plus de la norme. Ou plutôt, qui trace une nouvelle norme. Mais l’annonce d’un profil hétérogène est déroutante; elle suggère non seulement que l’on ne rentre pas dans le moule général, mais que l’on est aussi décalé par rapport à la norme des surdoués. Là aussi, on est atypique. Atypique au sein des atypiques, c’est un vertige nouveau. Ce n’est pas seulement un décalage, c’est un puzzle où l’on doit assembler des pièces qui semblent appartenir à différents jeux.
La richesse du profil hétérogène.
Pourtant, dans ce chaos apparent, il y a une richesse indéniable. Un profil hétérogène c’est une répartition unique de talents et de défis. Les décalages dans notre profil cognitif ne sont pas des failles, mais des indices de nos singularités. Ils sont la preuve que l’intelligence peut se déployer de manière inattendue, créant un espace où la logique côtoie la créativité, où l’analyse fine peut marcher main dans la main avec une intuition étonnante.
Reconnaître et accepter ces décalages, c’est reconnaître et accepter la totalité de notre être. C’est se voir non pas comme un assemblage désordonné de traits, mais comme un écosystème riche de diversité interne. C’est dans cette acceptation que l’on peut trouver la force de s’épanouir, de tisser les fils disparates de notre intellect pour en faire un tissu unique et personnel.
Une identité éclatée mais cohérente.
Ainsi, le profil hétérogène nous confronte à une vérité complexe: nous sommes plus que la somme de nos parties, plus que les écarts entre nos scores. Nous sommes un ensemble de capacités, certaines élevées, d’autres moins, mais toutes essentielles à l’harmonie de notre existence. Si la découverte d’un profil hétérogène bouscule les attentes, il est important de réaliser ensuite que ce n’est pas parce qu’il y a des écarts entre les indices qu’il n’y a pas de cohérence. Après ce résultat, on peut se sentir comme « éparpillé.e », avec une identité « éclatée » (ce sont les mots des personnes interrogées pour rédiger cet article). Mais ce n’est pas parce qu’on a de multiples facettes que celles-ci sont incohérentes.
D’ailleurs, nous explorerons davantage cette quête d’identité dans l’article suivant, où la question « Qui suis-je? » se pose avec encore plus d’acuité. Nous découvrirons comment, loin de nous limiter, notre profil hétérogène peut être le tremplin vers une compréhension plus profonde de nous-mêmes et de notre place dans le monde. En toute cohérence !
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11 Commentaires
Merci j’aime beaucoup vos articles
Merci beaucoup Chloé, comme toujours passionnant et très bien écrit ! Merci pour votre travail de vulgarisation chargé (toujours) d’optimisme ☺️
Merci beaucoup ! J’en profite pour vous souhaiter une très belle année 2024 🙂
Bonjour Chloé,
Encore merci pour ce nouvel article. Une petite question : quand tu parles de profil hétérogène, parles-tu de personnes qui ont tous les indices au-dessus de 130, mais de grands écarts entre les différents indices, ou inclues-tu ceux qui n’ont pas tous les indices au-dessus de 130 ? Je crois que tout le monde n’est pas d’accord sur la « frontière » à tracer entre les personnes à haut potentiel et les autres : pour certains, il faudrait que tous les indices, sans exception, dépassent les 130 (ou s’en approchent de très près), pour d’autres, un seul indice au-delà de 130 est suffisant…
Bonjour !
Je parle au départ de profil hétérogène dans sa définition générale, c’est à dire quand il y a des écarts entre les indices, qu’ils soient inférieurs ou supérieurs à 130 ou non, que la conclusion oriente vers un HPI ou non. Mais plus j’avance dans les articles, et plus je me concentre sur les profils qui ont dans le résultat quelques indices très supérieurs à 130, et les autres inférieurs, car je m’intéresse à ce qui plonge la personne dans l’incertitude et l’incompréhension. Dans le ressenti « entre deux » 🙂
Oh, un nouvel article en cadeau de Noël !
🙂 🙂 🙂
Bonne lecture et bonne année !
Cet article m’a fait un bien fou suite au commentaire que j’ai posté l’autre jour. Après mon bilan neuro psy qui m’a laissé encore plus perdue qu’à l’arrivée. Je me retrouve complètement dans ces deux articles. Merci beaucoup. ça va donner de la matière à travailler avec mon psy.
Bonjour Delphine,
Désolée pour mon délai de réponse, j’allais justement vous rediriger vers celui-ci qui pourrait vous éclairer mais je vois que vous y êtes arrivée toute seule 😉 J’espère sincèrement que ça vous aidera à naviguer dans le moins flou !
J’ai été mis dans la catégorie HPI, pourtant j’ai tous les items au-dessus de 130, sauf un (le raisonnement perceptif) qui est proche des 100… On ne m’a pas parlé d’hétérogénéité ici. Par contre, en me renseignant ça peut être un trait autistique…
Bonjour! Il y a beaucoup de spécificités en effet, beaucoup de facteurs, c’est du cas par cas, d’où l’importance de trouver un.e professionnel.le qui connaît vraiment bien le sujet et sait l’interpréter pour aider à avancer 🙂