Cet article est extrait de Rayures et Ratures 2 : Pour la Vie, dans lequel une grande partie s’intéresse aux adolescents surdoués, zèbres, à haut potentiel (HPI). Dans ce livre, des chapitres expliquent les bouleversements du cerveau à l’adolescence, de façon simple et ludique. Parce que si on comprend ce qu’il se passe à cette période, on peut la traverser de façon plus tranquille. Parent, ou adolescent. Ces chapitres resteront exclusifs au livre. En revanche, j’ai souhaité vous partager ici des témoignages d’adolescents surdoués sur les sujets du quotidien. Et on commence par l’orientation des adolescents surdoués. Scolaire ou professionnelle.
Pour écrire cette partie, j’ai écouté et interrogé de nombreux adolescents et adolescentes HPI, seuls, en groupe, et parfois sur plusieurs années.
Voici un extrait :
Choisir une orientation
On passe le plus clair de son temps à l’école, et on doit réfléchir à l’”après”. L’avenir. Une filière, qui mènera à un métier. Quelle période stressante ! Car s’orienter, c’est choisir. Et choisir, c’est renoncer à de multiples alternatives.
Choisir une orientation professionnelle est d’autant plus difficile pour les zèbres qu’ils ont d’innombrables centres d’intérêt.
Comment choisir, quand on s’intéresse à (presque) tout ?
Comment choisir quel centre d’intérêt creuser, quand tous nous importent autant ? L’adolescence a permis de faire un tri dans nos goûts, en renforçant certains intérêts, mais ils restent encore nombreux. En explorant, en testant, on peut également découvrir de nouvelles passions. Nos projets changent en permanence. Et pourtant, c’est à cette période que des décisions majeures quant à l’orientation professionnelle doivent être prises.
Changer de filière
Parfois, nos projets changent en découvrant un nouveau domaine, parce qu’une affinité se crée avec une matière, ou parce qu’on rencontre un professionnel passionné qui nous transmet l’amour de son métier. Chacun a ses raisons. Mais parfois, nos projets changent parce qu’on en abandonne un, en se convainquant qu’on n’y arrivera pas. Pour les adolescents zèbres qui ont peur de l’échec, il s’agit là d’un grand challenge.
Réfléchissez, avec vos parents si besoin, aux raisons qui vous poussent à aller dans une autre direction.
Est-ce que l’autre direction vous importe davantage, ou vous rassure simplement parce que vous vous sentez davantage “capable” ?
Pour les indécis
La majorité, vous l’aurez compris, zèbre ou non d’ailleurs, doutera. Fera un choix, puis le remettra en question. Ce doute est naturel, puisque l’adolescent est en pleine découverte de lui-même. Si vous avez fait un choix que vous regrettez par la suite, puisqu’une autre orientation vous plaît davantage, dites-vous qu’il n’est jamais trop tard. Et dites-vous aussi qu’on n’a pas qu’une seule voie.
Quel que soit le choix que vous ferez, vous apprendrez de nouvelles choses, qui vous serviront plus tard, même si vous partez dans une autre direction. Vous affinerez petit à petit vos intérêts, et peut-être qu’une ou plusieurs voies se détacheront. Ou peut-être que vous douterez toute votre vie, même en ayant un travail épanouissant, car oui, c’est possible, et nous sommes même très nombreux à douter toute notre vie, même en exerçant un métier-passion.
Mais si le doute vous bloque, n’hésitez pas à consulter un professionnel pour vous aider dans votre choix à vous.
Quand on a une vocation
Certains jeunes zèbres ont moins de doutes sur leur orientation professionnelle, puisqu’ils ont une vocation, une envie puissante depuis l’enfance, comme une mission. Ils savent exactement ce qu’ils veulent et doivent faire. Ils sont animés par un métier bien particulier. Mais c’est loin d’être la majorité, et cela peut être risqué également, si l’on s’engouffre de tout son être dans une voie qui finalement, quelques années plus tard, ne nous correspond plus, ou si l’on se concentre exclusivement sur ce qui nous sert à atteindre notre objectif fixé depuis longtemps, et que l’on met tout le reste de côté.
Voici quelques témoignages d’adolescents, qui se sont confiés sur leurs choix d’orientation.
Et toi, qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? Mots d’ados.
Adrien, 17 puis 18 ans
Ce que j’aimerais faire plus tard ? J’en sais rien du tout. C’est quand, “plus tard” ? C’est difficile de choisir. Bon, j’ai bien ma petite idée en fait, mais c’est juste que mes profs m’encouragent à aller dans une autre direction, donc je ne sais pas quoi décider, je ne veux pas les décevoir non plus. Ils ont peut-être raison. Mon idée à moi, c’est de travailler au grand air, de faire un travail manuel, pour pouvoir voir l’avancement, et aussi voir que les clients sont contents de mon travail. J’ai besoin de ça. Mes loisirs sont plutôt intellectuels, ça satisfait ma curiosité et ça me stimule, du coup pour mon travail, je préfère vraiment quelque chose de manuel, où on voit l’avancement des travaux. J’ai besoin des deux aspects, mais on m’encourage à choisir un métier plus intellectuel. Comme j’ai peur d’être frustré avec un métier intellectuel, je préfère garder ce côté intellectuel dans mes loisirs.
Adrien, 17 ans
Le même Adrien, un an plus tard.
Ca y est, c’est vraiment la période des choix, jusque là j’y réfléchissais mais là je dois décider… J’ai eu de bonnes notes cette année, en terminale, alors même mes parents maintenant m’encouragent à aller vers des écoles d’ingénieur, ils se sont rangés du côté des profs parce qu’il paraît que c’est bien de faire une école d’ingé. Je crois que ça les rassure. Mais moi j’ai pas du tout envie de faire ces études pour ensuite avoir un job au salaire correct mais sans pouvoir progresser, j’ai l’impression que je vais stagner là-bas, et m’ennuyer. La seule chose qui me plaît dans l’école d’ingé ou de commerce c’est la classe prépa. Les écoles sans prépa ou avec prépa intégrée ne m’intéressent pas, ce qui m’intéresse c’est toutes les matières qu’on apprend en prépa. J’aimerais faire une classe prépa, puis faire un travail plutôt manuel. Mais c’est possible, ça ?
Adrien, 18 ans, dans Rayures et Ratures 2 : Pour la Vie
Mathilde, 15 puis 16 ans !
La première fois que j’ai discuté avec Mathilde, elle m’expliquait qu’elle avait déjà planifié toute sa vie .
Je veux faire médecine au Québec, devenir pédiatre, ce n’est pas grave si j’ai peu d’amies, je veux me concentrer sur le travail.
Mathilde, 15 ans
Un an plus tard, elle n’est plus si sûre.
J’ai toujours envie de faire médecine, mais c’est compliqué au Canada finalement. J’aimerais vraiment le faire à l’étranger, c’est mon but de partir à l’étranger. Donc si ce n’est pas possible, je le ferai peut-être en France, puis je partirai. Ou alors, l’écologie m’intéresse aussi beaucoup. Je veux défendre l’environnement. J’aime me sentir utile. Je déteste les injustices. Peut-être que je pourrai faire un métier là-dedans.
Mathilde, 16 ans, dans Rayures et Ratures 2 : Pour la Vie
Julie, 17 ans
Julie est une lycéenne qui a souffert d’angoisses durant son enfance et jusqu’à la fin du collège. Ses angoisses deviennent handicapante dans sa vie quotidienne, l’empêchent de sortir, d’aller en voyage scolaire, ou de vivre son adolescence. Alors, à la fin du collège, face à l’ampleur de ses angoisses, elle consulte. Elle est accompagnée par une psychologue qui en profite pour lui parler de haut potentiel et lui faire passer le test. Le travail avec la psychologue et cette nouvelle donnée sur elle-même lui permettent de vaincre ses angoisses, de participer à une sortie scolaire, et même de voyager seule en train à plusieurs reprises, ce qui lui était impossible avant.
Dans la vie, elle aime les jeux de société, faire du sport, passer des moments en famille et avec ses amis, mais elle aime aussi se retrouver seule et se ressourcer dans son petit monde. Son petit monde, il est dans sa tête. Julie aime créer des choses et les offrir ensuite. Elle aime lire, danser dans sa salle de bain. Elle aime aussi la sociologie, la psychologie, les sciences humaines et le développement personnel. Julie a peur de l’inconnu, de la perte de contrôle et de sortir de sa zone de confort. Elle aime la justice et le respect, et en ce temps de covid 19, ne supporte pas le comportement des personnes qui ne respectent pas les gestes barrière.
Avec son vécu, la variété de ses centres d’intérêt et un très fort besoin de reconnaissance, on peut facilement imaginer qu’elle soit encore plus indécise quant à son orientation. Elle voit d’ailleurs une psychologue spécialisée dans l’orientation professionnelle.
Quand je lui ai posé la question de son avenir, elle m’a répondu :
Je me cherche beaucoup. J’ai du mal à trouver ce que je veux faire. Avec mes parents je suis allée plusieurs portes ouvertes, dans plusieurs domaines, une dizaine peut-être, l’enseignement, les écoles d’ingénieurs, de commerce, la faculté de droit. J’ai effectué deux stages d’observation aussi, un chez un notaire, et un dans une école primaire. Les deux m’ont plu, mais je n’ai pas envie de faire ça comme métier. Je cherche quelque chose dans lequel je vais pouvoir m’épanouir et qui soit aligné avec mes valeurs. Je veux être utile aux autres, avoir une dimension humaine, peut-être quelque chose qui soit dans l’organisation, la gestion, car j’adore les to do lists, je suis très organisée et j’aimerais avoir cet aspect de planification dans mon travail. J’aimerais aussi avoir la possibilité d’explorer différentes choses, de changer. Et si je devais travailler dans une entreprise, ça serait une entreprise plutôt familiale, avec un but humain.
Julie, 17 ans, dans Rayures et Ratures 2 : Pour la Vie
Héloïse, 13 ans
Plus tard j’aimerais être professeur des écoles primaires car j’aime bien aider et j’aime les enfants. Mais il n’y a pas très longtemps je voulais être ingénieure ou pâtissière. Alors on verra.
Héloïse, 13 ans, dans Rayures et Ratures 2 : Pour la Vie
June, 14 ans presque 15
J’aimerais beaucoup être actrice, mais je sais qu’il me faudra probablement un métier à côté. Mes parents ont été les premiers à me dire qu’il faudrait quelque chose à côté. Mais je m’en doutais. On m’a dit que peu en vivaient. Comme j’ai peu confiance, je me dis qu’il faut que j’assure une espèce de stabilité au cas où.
June, 14 ans presque 15, dans Rayures et Ratures 2 : Pour la Vie
Fin de l’extrait.
J’espère que ce court extrait de témoignages d’adolescents zèbres sur les questions de l’orientation vous a plu !
Pour découvrir toute la partie consacrée à l’adolescence, dont la plongée au coeur du cerveau des ados, rendez-vous ici. Vous ferez de belles rencontres au cours de sa lecture !
Afin d’en savoir plus sur la genèse du livre, et comment j’ai rencontré ces adolescents ainsi que des zèbres de 1 à 92 ans, vous pouvez regarder la petite vidéo de présentation ici.
Et je vous dis à bientôt pour un nouvel article sur les adolescents HPI, leur envie de changer le monde, leur sensibilité ou encore l’asynchronie,
3 Commentaires
Bonjour,
Moi le problème c’est que j’ai fait déjà deux filières différentes en étude supérieur, et j’ai peur encore une fois de me lasser, ce n’est pas le métier qui m’ennuie mais la structure même et la longueur des études, ça me lasse, c’est une grande routine de trois ans sans ressentir la légitimité d’avoir acquis des compétences. L’étude me correspond pas , j’apprends vite en pratiquant… j’ai des très bonne note c’est pas ça le problème, c’est juste l’éducation n’est pas faite pour moi , j’apprends plus tout seul en faisant des recherches que en cours. J’ai peur de recommencer une filière qui au final va me dégoûter au bout de quelques mois…
Encore un article très intéressant. Moi je sais depuis longtemps ce que je veux faire comme métier (j’ai 14 ans), je veux être une enseignante dans une école primaire. Parce que j’aime expliquer les chose, aider mes camarades de classe quand ils ne comprennent pas l’exercice, et j’aime beaucoup les enfants. Quand j’étais petite, je rêvais de prendre la place de la maîtresse pour une journée. Plusieurs métiers avec des enfants m’intéressent mais c’est celui-là mon rêve, mon ambition. Et je me dis que si jamais j’échoue, je pourrai donc faire un autre métier qui s’en approche. C’est le conseil que je donne à ceux qui ont peur de l’échec : faire une petite liste de métiers qui s’approchent de celui de leurs rêves, ou qui leur plairaient aussi, comme ça ils savent vers quoi se diriger en cas d’échec.
À part ça je trouve votre blog très intéressant et je me reconnais dans beaucoup de choses, mais pour l’instant je ne suis pas intéressée de savoir si je suis zèbre ou non.
Merci pour ce témoignage et ces conseils 🙂 J’espère que ça aidera de nombreux adolescent.e.s ! Quant au fait de savoir si on est zèbre ou non, surtout, aucune pression, il n’y a aucun intérêt à passer le test si on n’en ressent pas le besoin 🙂