Aaah. L’étiquette surdoué. Qui n’a jamais entendu :
“Pfff, surdoué, ce n’est qu’une étiquette de plus pour rassurer les gens qui ont des problèmes.”
Ou bien :
Ces remarques reviennent très souvent en commentaire de mes publications Instagram sur le haut potentiel. Il est vrai que parler de “surdoué”, c’est différencier. Donc catégoriser. C’est le principe, en fait. On isole une caractéristique pour comprendre, pour s’en occuper.
Alors est-ce que le haut potentiel est une case, ou une étiquette ? Oui.
Est-ce problématique ? Est-ce que le fait de poser une étiquette surdoué, zèbre, haut potentiel intellectuel, haut potentiel émotionnel ou hypersensible est dangereux ? Ou bénéfique ? C’est ce qu’on va voir dans cet article illustré !
Cette question d’étiquettes et de cases me passionne depuis un moment puisqu’il s’agit d’une des manières préférées des détracteurs de ce sujet encore polémique de le balayer d’un revers de la main.
Explorons donc notre propension à nous glisser dans des cases, à nous coller des étiquettes, et essayons de les percevoir différemment !
Pourquoi on se met dans des cases ?
On est nombreux à se questionner sur notre identité. Ce questionnement passe souvent par une définition de nos traits de personnalité. Surtout en ce moment, où les publications de développement personnel sont de plus en plus nombreuses (introversion, résilience, atypies, syndrome de l’imposteur, etc). Les étiquettes psy pullulent.
Quand on découvre qu’on a un haut potentiel, c’est généralement qu’on a consulté un.e psychologue, donc qu’on a ressenti un mal-être à un moment donné dans sa vie. On est en train de vivre une période troublée, sinon on ne se retrouverait pas dans le cabinet de ces professionnels. On nous parle de haut potentiel, ça fait tilt, ça chamboule, et on y pense beaucoup. Cette notion vient apporter un élément de réponse à notre quête identitaire du moment. Alors on se réfugie derrière. Elle nous permet de nous rassurer. Qui je suis devient plus concret. Notre côté rationnel est satisfait. Un vide semble se combler par cette donnée sur soi qu’est le fait d’être surdoué.e.
Si l’on se sentait en flottement, en errance, on a là un élément qui paraît plus tangible car socialement reconnu. Il va nous permettre de nommer un fonctionnement, de l’expliquer à la société en étant compris, d’être reconnu, accepté. Il va susciter de l’empathie.
En période de difficulté, découvrir cette particularité apporte aussi souvent un soulagement, une satisfaction (même temporaire) à notre besoin d’appartenance.
Si on se glisse aussi souvent dans des cases, si on se colle des étiquettes, c’est parce que ce sont des outils. Ils permettent de s’identifier socialement, de se rassurer, et d’interagir avec les autres. Quand on souffre d’incompréhension avec ses proches, une étiquette leur donne des clés. Cette étiquette est une image qu’ils arrivent à saisir. Ils pourront ensuite plus facilement comprendre et communiquer.
Le danger de l’étiquette surdoué
On se met dans des cases parce qu’on en a besoin pour nous rassurer et pour comprendre, à un moment donné. Quand on est en plein questionnement existentiel, la case apporte ce côté rationnel qui fait du bien. Mais c’est temporaire !
Le danger, justement, c’est que ça dure. Le risque, c’est de se cacher derrière l’étiquette surdoué.
C’est de s’enfermer dans la case, de se définir exclusivement par cette notion de haut potentiel.
Ce qui est problématique, c’est quand on ne voit plus qu’à travers la paire de lunettes “surdoué”, en mettant de côté nos propres ressentis et notre personnalité au global.
Car on est HPI, mais pas que ! Comme pour tout, on a de multiples facettes et traits de personnalité qui s’assemblent.
En parlant de diversité et multiples facettes, découvrez les histoires, parcours, réflexions et astuces de personnes surdouées de tous les âges et tous les horizons dans Rayures et Ratures 2 : Pour la Vie !
En mettant trop souvent les lunettes du HPI, on s’enferme, et on s’empêche d’avancer.
On peut tomber dans la sur attribution. La sur-attribution, c’est le fait de tout attribuer à cette nouvelle donnée qui a chamboulé notre vision des choses. Et de ne pas chercher d’autres causes, ni surtout de solutions à ce qui nous fait souffrir (si quelque chose nous fait souffrir, parce qu’on peut aller bien aussi, mais en général quand on va bien, on ne reste pas derrière une étiquette). C’est valable pour tous les sujets, toutes les étiquettes, pas simplement pour le haut potentiel bien entendu.
Mais s’il y a bien un danger aux cases et étiquettes, j’ai plutôt envie de vous montrer en quoi elles peuvent nous servir. Oublions l’aspect péjoratif des “cases”, et percevons les différemment !
La case ou étiquette surdoué plutôt comme une “pièce ressource”.
Se glisser dans une case, quelle qu’elle soit, on en a besoin, comme on l’a vu précédemment. Dans un moment troublé, se retrouver dans une case permet de s’informer, de réfléchir, de se recharger. Et de collecter des outils pour en sortir ensuite ! On se libère des étiquettes un jour. On sort des cases.
Soit parce qu’on ne s’y reconnaît plus. Soit parce qu’on en a simplement plus besoin. On a suffisamment d’outils et de réserve d’énergie pour continuer notre quête sans cette case ou étiquette.
Ne les supprimons pas pour autant. Elles resteront là pour accueillir temporairement d’autres voyageurs en quête existentielle et identitaire. D’autres personnes qui, à un moment précis de leur vie, auront besoin des outils disposés à l’intérieur de la case, ou d’un petit coin pour souffler et réfléchir tranquillement.
Alors, finalement, l’étiquette surdoué ?
Savoir qu’on est surdoué, et se renseigner sur le sujet, ce n’est pas “chercher à tout prix à se ranger dans une case”.
C’est utiliser les outils donnés par l’étiquette surdoué, ou disposés dans cette case, pour se comprendre, s’accepter, ou même révéler des aspects dormants de notre personnalité.
On se glisse tous dans des cases à un moment donné, parce qu’on en a besoin. Le seul danger, c’est de ne jamais en sortir. Mais si on les considère comme des pièces ressources, tout va bien !
Et si vous avez peur d’en sortir (ça arrive parfois, parce que ce n’est pas encore le moment, ou parce que c’est confortable, une case), dites-vous que si besoin, vous pourrez y retourner. Et qu’il y a aussi plein d’autres cases à découvrir, dans laquelle des petits trésors vous attendent ! Comme un jeu de piste pour comprendre qui on est, en prenant en compte notre évolution au fil du temps.
La vie c’est ça : comme un grand plateau de jeu. Avec des passages longs et sinueux parfois qui nous épuisent, qui nous font nous questionner sur qui on est vraiment. Et puis aussi des cases dans lesquelles on peut passer quelques tours pour retrouver de l’énergie, et repartir sur un autre chemin. Entre les cases, il y a aussi des passages ensoleillés, colorés, sur lesquels on avance sereinement.
Je vous souhaite à tous une belle partie de jeu, que vous soyez actuellement à l’intérieur ou entre des cases. Et si vous croisez quelqu’un qui vous dit…
“ahah tu es surdoué ? Encore une case. Encore une étiquette. Arrête de vouloir te ranger à tout prix”
Vous savez où le rediriger !
Je vous dis à bientôt pour un nouvel article sur un sujet un peu dans le même style… l’effet barnum ! Et si cette lecture vous a plu, vous pouvez découvrir l’envers du décor, des réflexions et autres illustrations sur Instagram. Et si vous appréciez le fait qu’il n’y ait pas d’encart publicitaire sur le blog, et souhaitez soutenir mon travail, découvrez les jolies cartes illustrées et livres de la boutique !
6 Commentaires
Bonjour Chloé. Toujours un plaisir de lire vos articles.
J’avoue que l’idée de rentrée et/ou faire rentrer ma fille dans une case me contrariait moi-même (sans doute parce que je le suis faite à l’idée somme toute agréable de ne pas être comme tout le monde, lol). Mais en même temps, je suis d’accord avec vous : tant que ça aide à se comprendre et se faire comprendre (enfin, des fois) sans pour autant s’en servir comme prétexte pour ne pas évoluer ou se remettre en question, eh bien je suis pour.
D’ailleurs, combien de fois ai je dit à ma fille : ce n’est pas parce que, peut être, la porte proposée par tes profs ne te convient pas pour comprendre un concept ou un cours que c’est une excuse pour stagner et te dire tant pis. Explore d’autres portes, cherche de l’aide ou des ressources ailleurs.
Merci pour votre aide dans nos cheminements. Vous êtes top !
Merci pour ce témoignage/commentaire ! Je pense que nous sommes nombreux à avoir peur de rentrer ou faire rentrer dans une case. J’ai eu la même réaction que vous au tout début, et puis au fil du temps j’ai compris à quoi elles servaient 🙂 J’avais peur d’y entrer car j’avais peur d’y rester coincée, puis j’ai réalisé qu’on pouvait en sortir quand on le voulait 😉
Bonjour Chloé,
Sur le même sujet, je me permets de te faire partager cet article de blog, « De l’importance des étiquettes », écrit par une jeune femme autiste, qui ne contredit pas ce que tu exposes, mais apporte un nouvel éclairage (disons qu’il présente l’étape en amont de ce que tu expliques dans ton article, l’importance de pouvoir poser un mot précis sur ce que l’on vit et ce que l’on est) :
https://bienetreautiste.com/blogs/infos/de-l-importance-des-etiquettes
Je le trouve particulièrement bien écrit, plein d’intelligence et d’humour, comme tout ce que Julie Bouchonville peut publier sur ce même blog
Merci ! Je connaissais effectivement ce billet, j’aime beaucoup, et je suis totalement d’accord, quand il s’agit d’un trouble (ou d’une maladie car on peut extrapoler aux étiquettes de diagnostics de pathologies), poser une étiquette, c’est ouvrir la porte aux aides et prises en charge !
Ouuups, j’ai posté mon commentaire avant de relire ton article… ! Disons plutôt que Julie Bouchonville développe plus longuement que toi l’importance de pouvoir mettre un mot sur sa différence, mais dans le cas de l’autisme ou de tout ce qui est pathologique (même si l’autisme n’est pas une pathologie à proprement parler, on le range dans la « case » des TED – troubles envahissants du développement -, et comme son nom l’indique, ce fonctionnement neuro-atypique est un trouble, il est donc considéré comme un handicap, et permet de ce fait l’ouverture d’un dossier MDPH et l’obtention d’une RQTH), on comprend pourquoi l’autrice insiste autant sur cet aspect.
Merci beaucoup pour cet article clair, juste et magnifiquement illustré.
Il m’a fallu 4 ans pour accepter « l’étiquette » HPI, et la lecture de ton blog et des illustrations m’ont vraiment permis d’accepter ce diagnostic sans m’ y enfermer. C’est effectivement rassurant de comprendre davantage son fonctionnement et que d’autres fonctionnent exactement de la même manière, mais que non ça n’explique ou n’excuse pas tout et que nous avons aussi d’autres singularités.
C’est important de savoir qu’on a cette étiquette sans pour autant le faire savoir aux autres en réalité.