Il y a quelques semaines, je publiais un article sur la notion controversée de Haut Potentiel Émotionnel, et j’arrivais à la conclusion qu’on utilisait souvent ce terme pour parler d’intelligence émotionnelle.
Je me suis donc plongée dans la lecture de ce qu’on m’a indiqué comme étant “la bible de l’intelligence émotionnelle”. 924 pages sur le sujet, je parle bien sûr du livre de Daniel Goleman.
Cet article sur l’Intelligence Émotionnelle (IE) se base sur sa vision. Sur son modèle. C’est volontairement très simplifié, mais tout de même théorique, n’hésitez pas à consulter les sources, publications scientifiques ou son ouvrage si vous souhaitez creuser un point, évidemment.
D’autres articles suivront, plus pratiques, avec des ressources illustrées à télécharger pour parler des émotions avec les plus petits, et leur apprendre à les reconnaître. Je vous mettrai les liens lorsqu’ils seront publiés.
Au fait, c’est quoi, l’intelligence émotionnelle ?
Ce qu’on appelle intelligence émotionnelle, c’est notre capacité à reconnaître nos émotions, mais aussi celles des autres. C’est notre aptitude à bien les gérer, ou plutôt à bien les comprendre et utiliser ce qu’elles nous donnent comme information. Pour nous-mêmes (pour prendre des décisions par exemple), ou dans nos relations avec les autres, pour nous adapter à l’interlocuteur.ice.
L’intelligence émotionnelle est différente de l’intelligence “intellectuelle” définie par les capacités purement cognitives, mesurées lors des tests de QI par exemple. Ainsi, on peut être Haut Potentiel Intellectuel et manquer d’intelligence émotionnelle, ce qui peut rendre difficiles nos relations sociales (entre autres).
Ces deux formes d’intelligence ne s’opposent pas.
On n’est pas “plutôt émotionnel” ou “plutôt cérébral”. Ce sont deux choses différentes, qui traduisent l’activité de zones du cerveau différentes.
L’intelligence émotionnelle, ce n’est pas seulement les centres émotionnels que l’on peut voir sur ce schéma ultra simplifié, c’est aussi leur connexion avec l’activité intellectuelle. En gros, ce sont tous les petits points du schéma 2, et la qualité/rapidité de la route qui les relie à l’activité intellectuelle.
Plus cette route ressemble à une voie rapide plutôt qu’à un chemin non balisé, plus on peut dire que l’intelligence émotionnelle est développée.
Cette théorie globale de l’intelligence émotionnelle (pas la voie rapide, hein, juste le concept d’IE), est proposée en 1990 par Peter Salovey et John Mayer, deux psychologues. Le modèle est ensuite adapté par Daniel Goleman quelque temps plus tard, et c’est celui que je vous résume ici.
Quelques idées fausses sur l’IE :
Avoir une intelligence émotionnelle développée, c’est être gentil.le.
Non, c’est savoir exprimer une vérité qui peut être difficile à entendre mais que l’on sait importante. C’est communiquer les informations de façon appropriée pour faire passer le message de façon harmonieuse. Savoir lire la personne en face pour s’adapter à elle dans notre façon de communiquer. C’est ce que moi, jusque là, j’appelais souvent “intelligence de situation”. Savoir lire l’environnement, et réagir en fonction.
Les femmes sont plus douées que les hommes en matière d’intelligence émotionnelle.
Non, c’est tout simplement faux. Chacun.e a des forces et des limites. Certaines études montrent que les femmes ont tendance à avoir un peu plus conscience de leurs émotions, et à être plus à l’aise dans les rapports inter-personnels. En revanche, ces mêmes études montrent que les hommes semblent avoir davantage de confiance et d’adaptabilité. L’intelligence émotionnelle, c’est le cumul des deux. C’est avoir conscience de ses émotions, mais aussi avoir confiance et savoir s’adapter. Je ne sais que penser de la fiabilité de ces études, mais toujours est-il qu’il n’y a pas de différence homme/femme quant à la capacité à développer son intelligence émotionnelle. Et c’est plutôt une bonne nouvelle !
Avoir une IE supérieure, c’est avoir de l’empathie.
Non, ce sont deux concepts différents. L’empathie est une des facettes de l’IE. Certaines personnes sont très empathiques mais ne sont pas (encore) aptes à accueillir ces émotions qui appartiennent à d’autres. D’autres personnes sont conscientes des variabilités de l’humeur d’autrui mais ne savent pas forcément comment réagir. Elles peuvent le travailler en développant leur intelligence émotionnelle.
C’est être très émotif.ve, submergé.e par ses émotions, ou hypersensible.
Non, avoir une intelligence émotionnelle développée, c’est le contraire d’être submergé.e par ses émotions. Ce n’est pas non plus “ressentir de façon plus intense” comme on pourrait le penser avec l’hypersensibilité.
C’est ressentir les émotions, quelle que soit leur intensité, mais aussi les identifier et savoir réagir en fonction de ce qu’elles nous indiquent.
On peut tout à fait être hypersensible et avoir une IE très développée.
Le quotient émotionnel qui détermine le niveau d’IE est génétique, ou se développe durant l’enfance exclusivement.
Non, à la différence du QI qui évolue relativement peu, l’IE est pour la plus grande part acquise.
Au fil de la vie et de nos expériences, nous sommes de plus en plus capables de comprendre nos émotions, de gérer nos impulsions, d’affiner notre empathie. Ce qu’on appelle la maturité, c’est la progression de notre intelligence émotionnelle.
5 facettes de l’intelligence émotionnelle
Daniel Goleman décrit l’IE en 5 entités, 5 groupes. Vous pouvez lire cette liste, et essayer de repérer les descriptions qui vous parlent. Les aptitudes que vous pensez avoir.
- La conscience de soi : c’est être toujours conscient.e de nos sentiments, utiliser nos intuitions pour orienter nos décisions. Savoir s’évaluer soi-même avec réalisme, posséder une solide confiance en soi.
- La maîtrise de soi : gérer nos émotions de façon à ce qu’elles facilitent notre travail au lieu d’interférer avec lui. (Le terme “gérer” fera grincer des dents de nombreux thérapeutes, je sais, mais c’est celui que Goleman utilise dans sa description). Récupérer rapidement d’une perturbation émotionnelle.
- La motivation : utiliser nos envies les plus profondes comme une boussole qui nous guide vers nos objectifs. Qui nous aide à prendre des initiatives et à persévérer malgré les frustrations ou obstacles.
- L’empathie : percevoir les sentiments d’autrui et être capable d’adopter leur point de vue. Cela permet d’entretenir des rapports harmonieux avec une grande variété de gens.
- Les aptitudes humaines : déchiffrer avec clairvoyance les situations et les réseaux humains. Réagir avec tact. Utiliser ces aptitudes pour persuader, guider, négocier et régler les différends, pour coopérer et animer des équipes.
A t-on besoin de tout ça pour être heureux.se et épanoui.e ?
Non, fort heureusement !
Aucun de nous ne possède toutes les compétences émotionnelles que comprennent ces 5 facettes.
Nous avons tous.tes nos forces et nos limites. Et cela ne nous empêche pas d’être heureux.ses et épanoui.e.s dans notre vie personnelle, sociale ou professionnelle.
Mais pour cela, nous avons quand même besoin d’un minimum de compétences émotionnelles (environ 6 selon Goleman). Le plus important, pour l’épanouissement, est que ces compétences soient réparties entre les cinq facettes de l’intelligence émotionnelle.
25 compétences émotionnelles selon Goleman
Daniel Goleman propose une liste de compétences émotionnelles, réparties selon les cinq facettes définies juste au-dessus. Il ne la partage pas pour que nous essayions de les développer une à une. Mais pour que l’on puisse, si on le souhaite, faire une revue de nos forces, et des compétences dont on estime avoir besoin pour s’épanouir. De celles que l’on aimerait développer, aussi.
Vous pouvez retrouver la liste encore plus détaillée dans le livre, mais voici tout de même quelques compétences :
- Conscience de soi :
- savoir reconnaître ses émotions et leurs effets
- connaître ses forces et ses limites (autoévaluation)
- être sûr.e de sa valeur et de ses capacités
- La maîtrise de soi :
- gérer les émotions et les impulsions
- se montrer honnête et intègre en toutes circonstances
- avoir de la conscience professionnelle
- faire preuve de souplesse devant les changements
- être à l’aise avec les approches, les idées, les informations nouvelles
- La motivation :
- avoir l’exigence de perfection, pour atteindre un niveau d’excellence ou pour l’améliorer
- l’engagement, savoir épouser les objectifs du groupe
- être prêt.e à saisir les opportunités
- l’optimisme : poursuivre ses objectifs avec ténacité malgré les obstacles
- L’empathie :
- comprendre les autres, capter leurs sentiments et points de vue et éprouver un réel intérêt pour leurs soucis.
- anticiper, reconnaître et satisfaire les besoins des autres
- sentir les besoins et carences des autres et stimuler leurs capacités
- savoir concilier des sensibilités différentes
- savoir déchiffrer les flux émotionnels sous-jacents d’un groupe et ses relations de pouvoir
- Les aptitudes sociales :
- savoir employer la tactique efficace pour persuader
- envoyer des messages clairs et convaincants
- inspirer et guider les gens
- savoir initier ou gérer des changements
- être capable de négocier et résoudre les conflits
- savoir nouer des liens, cultiver les relations
- travailler avec les autres à des objectifs communs
- créer une synergie de groupe, mobiliser une équipe
Oui, ça fait beaucoup. Mais la bonne nouvelle…
C’est que ça se travaille ! Si on ressent l’envie de développer son intelligence émotionnelle, c’est tout à fait possible. Dans le prochain article, je vous expliquerai à quoi ça peut servir, de la développer. Et aussi… comment faire ?
Bien entendu, il n’y aura pas de méthode miracle. Je dévoile déjà un peu mon prochain article, mais développer son IE, ça demande beaucoup de pratique pour changer certaines habitudes lourdement ancrées en soi. Ce n’est donc pas avec une formation en ligne ou un séminaire de 3h que l’on arrivera à améliorer nos compétences. Je vous présenterai les bases de l’IE, ce qu’on devrait apprendre à l’école, les choses importantes repérées par D. Goleman pour que l’apprentissage de l’IE soit efficace, des exemples de petits exercices dans la vie quotidienne, et des petites ressources illustrées pour parler des émotions avec les plus petits !
Pour savoir comment et pourquoi développer son intelligence émotionnelle, rendez-vous donc dans le prochain article, d’ici quelques semaines !
Je vous dis à très bientôt ! En attendant, si vous appréciez la lecture sans encart publicitaire ou affiliations sur le blog, et que vous aimez mon travail, n’hésitez pas à le soutenir en partageant les articles, les illustrations sur les réseaux, en parlant du livre, ou en commandant des petites choses sur la boutique ! Ca m’aide énormément, et j’y ai ajouté de jolies petites cartes !
10 Commentaires
Bonjour, et bravo pour ce bel article et ces chouettes illustrations! Une autre « bible » en la matière, un peu plus récente et avec moins de pages : les compétences émotionnelles de Moira Mikolajzac et Jordi Koidbach !
Cet ouvrage permet de séquencer les compétences en fonction de la succession de mécanismes psychologiques qu’ils entraînent : identifier, comprendre, exprimer, régler, utiliser. De mon point de vue une bonne ressource pour aller un pas plus loin
Merci pour cet article, j’apprécie le résumé et les illustrations, top
Excellente synthèse et illustrations! Merci pour ce partage !
Excellent article, merci pour tout ce travail de lecture, rédaction et illustration. C’est très pédagogique. Je comprends beaucoup mieux maintenant ce que recouvre l’intelligence émotionnelle, avec ses 5 facettes et ses 25 compétences.
J’ai hâte de découvrir la suite !
[…] ➡️ Retrouvez la liste des 25 compétences émotionnelles de Daniel Goleman (en version simplifiée) dans l’excellent article du blog Rayures et Ratures : Qu’est-ce que l’intelligence émotionnelle ? […]
Bravo et merci Chloé pour votre travail aboutissant à ce très bon article qui synthétise parfaitement le livre de D.Goleman. Et pour vos chouettes illustrations . C’est un plaisir de vous lire.
Merci Virginie !
Mais trop bien !! Avec 2 enfants de moins de 3 ans impossible de lire un livre de près de 1000 pages. Je suis éducatrice spécialisée et cette approche m’intéresse énormément. J’avais déjà un peu survolé le sujet vu par Isabelle Filliozat. Merci pour cet article et ceux qui vont suivre ! Hâte de te relire 🙂
Je t’en prie, j’espère que ça t’a plu 🙂
Superbe, le contenue est simple et clair…merci beaucoup