Haut Potentiel, victime de harcèlement scolaire, et passionné.
J’ai rencontré Hugo par hasard, à l’été 2017, au détour d’une formation en ligne sur la construction de sites internet. Nous avions échangé brièvement sur nos projets respectifs (lui sur une association pour lutter contre le harcèlement scolaire, moi sur Rayures et Ratures) et, allez savoir pourquoi, je n’ai pas été très étonnée lorsqu’il m’a dit que ça lui parlait, qu’il avait été identifié “haut potentiel”.
Le sachant très impliqué dans la lutte contre le harcèlement scolaire sans pour autant connaître son histoire personnelle, j’ai tout de suite pensé à lui pour témoigner sur le sujet, et apporter un peu de concret à mes articles sur le harcèlement. Je ne vous souhaite pas forcément de vous reconnaître dans son témoignage, mais j’espère qu’il pourra inspirer ceux d’entre vous qui ont été, sont ou seront victimes de harcèlement.
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Victime de harcèlement scolaire
Hugo a été harcelé à l’école depuis tout petit. Il ne sait plus trop quand ça a commencé. Aux alentours de 6 ans, sûrement. Il subissait des moqueries, car il louchait d’un oeil.
C’est à peu près au même moment qu’on commence à s’interroger sur sa douance. Il sait lire avant le CP, il a appris tout seul. Il a du mal à se faire des amis, et se demande pourquoi. Est-ce qu’il est bizarre ? Différent ? Il consulte un psychologue scolaire, qui lui propose de sauter une classe, mais il refuse. De classe en classe, les choses évoluent. Il passe du “bigleux” à l’”intello”, mais les insultes sont toujours là. Le harcèlement provoque chez lui des troubles du comportement alimentaire et une prise de poids, et d’”intello”, on le nomme alors le “gros de service”.
Puis plus il avance dans son parcours scolaire, plus les insultes se transforment en coups, et en menaces. Du harcèlement moral des petites classes, on passe au harcèlement physique au collège. Scolarisé dans une petite école de campagne, il n’y a qu’une seule classe par niveau, alors il fait quasiment toute sa scolarité avec ses harceleurs. Il change d’établissement en 4ème (pour des raisons familiales, non liées au harcèlement), mais cela ne change rien. “Le nouvel établissement n’était pas très loin de l’ancien, donc la réputation reste”. Durant un voyage scolaire, ses nouveaux camarades l’ont filmé en train de ronfler, et ont diffusé la vidéo sur les réseaux sociaux. Juste comme ça, pour se moquer. Cela dépasse même le cercle scolaire. Il me raconte comment, en marchant dans les rues de son village, les gens se moquaient. Et lui ne savait pas pourquoi. Insultes, menaces, coups puis exclusion, réputation entachée, isolement… Le harcèlement se manifeste de façons variées.
Quand je lui demande s’il se rendait compte qu’il s’agissait d’harcèlement, et que c’était grave, il ne sait pas trop quoi répondre. Et puis ça vient. Au début, non, il ne se rendait pas compte. Il n’a jamais réussi à créer de lien avec ceux de son âge, mais il ressentait le besoin d’appartenir à un groupe. Alors pour se sentir intégré, il était prêt à tout supporter. Puis il finit par se rendre compte que ce n’est pas normal de subir ces insultes et ces coups, mais dit que c’est compliqué car il est “addict” au harcèlement.
En fait, pendant les vacances scolaires, loin de ses harceleurs, il trouve “bizarre” de ne pas être harcelé. Ce qui montre à quel point ces insultes, coups et menaces faisaient partie intégrante de son quotidien.
Pendant les vacances…
Le harcèlement a des conséquences dramatiques sur ses victimes. Les chocs psychologiques et les troubles alimentaires provoquent chez lui un diabète, qui le mène jusqu’à un coma diabétique. Pour des raisons médicales, il quitte alors le système scolaire, et va à l’hôpital. Il passe son bac avec succès à distance, via le CNED. Sortir du système lui a permis de sortir de la spirale de harcèlement scolaire, mais “ce n’est pas une solution”.
“La déscolarisation ne doit pas être une solution, c’est un dernier recours. Fuir un harcèlement n’est pas une bonne idée.”
Aujourd’hui, Hugo ne subit plus de harcèlement, mais conserve des séquelles, et notamment cette grande souffrance. Car il n’a pas vécu une enfance dans l’insouciance. Il n’a pas vécu une enfance “normale”. Et à Noël ou aux anniversaires, là où la magie de l’enfance ressurgit normalement, il y repense.
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xUne passion pour l’audiovisuel qui le sauve.
Ce qui lui a permis de tenir toutes ses années face au harcèlement scolaire, c’est la passion. Une véritable passion pour l’audiovisuel et le cinéma. Il a écrit son premier scénario de long métrage à 6 ans (OUI OUI, 6 ans, pendant que moi je jouais aux playmobils). Le scénario d’un long métrage historique, avec des chapeaux haut-de-forme et des cannes, dans le Londres des années 1830.
A 14 ans, il réalise le trailer de ce projet de film, réussit à mobiliser plus d’une centaine de figurants, et passe sur France 3. En parallèle, et malgré son jeune âge, il développe de nombreux projets audiovisuels (dont une web-série qu’il réalise) et fait de très belles rencontres.
Cette passion lui permet de tenir le coup. A travers le cinéma, il peut s’exprimer.
“Je ne serais pas forcément en vie aujourd’hui si je n’avais pas eu cette passion.”
Faire du harcèlement scolaire une force, et aider les autres.
En mai 2017, alors hospitalisé pour ses problèmes de diabète, Hugo a la volonté de faire du harcèlement qu’il a subi une force. C’est impossible pour lui de ne rien faire. Il a su tenir bon grâce à sa passion pour le cinéma, et compte bien aider les autres. Alors depuis sa chambre d’hôpital, il réfléchit à une association pour lutter contre le harcèlement scolaire, et publie des vidéos sur les réseaux sociaux pour expliquer son projet. A chaque nouvelle vidéo, son audience grandit. De plus en plus de personnes les regardent. Le sujet parle à beaucoup de gens, et cela le conforte dans son projet, qu’il mûrit tranquillement. Il est convaincu qu’avant d’apprendre aux jeunes à se défendre, il faut les aider à se reconstruire. Il faut restaurer leur confiance.
“En se défendant, en répondant, on règle peut-être le problème à l’instant T, mais en réalité on le cache. Il faut traiter le problème dans le fond, et redonner confiance aux jeunes. Qu’ils retrouvent le fond d’eux-mêmes”.
Et c’est ce qu’il fait aujourd’hui grâce à son association Harassers U GO! (HUGO), créée début 2018 et qui comporte 4 pôles :
Le pôle sensibilisation au scolaire, pour sensibiliser de manière interactive, ludique, avec un débat et des témoignages concrets.
Le pôle “accompagnement”, pour accompagner des jeunes victimes de harcèlement à travers une passion, que ce soit un art, un sport, un loisir. Le but est de définir une passion avec les jeunes (s’ils n’en ont pas identifié une), puis de les guider dans ce projet, pour qu’ils concentrent leur énergie là dessus. Car la passion peut, comme Hugo, les sauver.
Le pôle projet artistique, pour sensibiliser grâce à des court-métrages ou autres supports.
Et enfin le pôle recherche et formation, avec la création d’un comité d’étude virtuel sur toute la France et la formation des enseignants et du personnel éducatif.
Son association a une présence en ligne très importante. Car aujourd’hui, le harcèlement scolaire ne s’arrête plus à la classe ou à la cour d’école, il continue de plus en plus à travers les réseaux sociaux. De nombreux jeunes sont victimes de cyber-harcèlement, et c’est important que ces personnes harcelées sur les réseaux sociaux puissent aussi y trouver des alliés. Comme Harassers U GO.
Liens utiles :
Le lien vers l’association d’Hugo pour lutter contre le harcèlement scolaire : http://www.asso-hugo.fr
Pour soutenir son association et faire un don : https://www.donnerenligne.fr/harassers-u-go/faire-un-don
3 Commentaires
Bonjour,
J’ai 43 ans et j’ai découvert ma zèbritude en cherchant par moi-même suite à un suivi psychiatrique.
J’avais des problèmes au travail et à la maison dans ma vie conjugale.
Lorsque j’ai compris ma différence, il était déjà un « peu » trop tard. Le harcèlement au travail a commencé il y a 8 ans et un collègue pervers semble être jaloux de mes capacités à surmonter les épreuves.
J’ai divorcé.
Je me suis mise à courir des marathons.
Je vais essayer d’en finir avec l’attitude dénigrante de mon harceleur qui n’a pas eu de difficulté à trouver des complicités à sa cause; me nuire si ce n’est me détruire.
Pour finir, je me suis toujours sentie singulière et en marge par rapport à mon hypersensibilité et émotivité. Maintenant que je sais que je suis une zèbrette, je m’accepte mieux.
Bonjour Eva,
Je suis contente de savoir que vous vous acceptez mieux maintenant!
Bonjour, J’ai 41 ans, je suis maman au foyer, et j’ai découvert l’existence des zèbres en mai dernier. Défendant activement mon garçon harcelé à l’école depuis 2 ans. J’insiste sur activement car apparemment j’ai une manière peu commune d’aborder les choses, et je suis bien contente de me rendre compte après coup que je suis parvenue à déranger tout ce petit monde même si ce n’était pas du tout mon intention première. Dans ma recherche d’aider mon fils nous avons rencontré une neuropsy, qui lui a fait passer des tests. Il est zèbre. Je les ai passé également. Surprise ! Je pense être sur le bon chemin pour que nous allions tous bien. Mais je suis bien seule… pas suffisamment entouré… Pas complètement seule non plus. Heureusement super mari est là.. Tout cela pour dire merci car dans ma solitude je recherche souvent des lectures et votre blog, me donne ce dont j’ai besoin. Bonne continuation