Comment accompagner l’enfant HPI en classe : comprendre la douance et répondre aux besoins.
Le HPI est-il une mode ?
Vous avez probablement entendu parler des enfants « surdoués » ou « HPI » à maintes reprises ces dernières années. Peut-être avez-vous même eu l’impression qu’il s’agissait d’un effet de mode, poussé par des parents trop ambitieux. Vous n’êtes pas les seuls à vous poser cette question, rassurez-vous. Et il n’y a pas de mal à ça. Quand un sujet est largement médiatisé, on ne sait plus tellement distinguer le vrai du faux.
Je vais essayer de vous aider à y voir plus clair.
En fait, les enfants HPI ne sont pas le produit d’une éducation particulière ni d’une pression parentale excessive. Ce sont des enfants dont le développement cognitif est naturellement différent. Leur rapidité de compréhension, leur curiosité insatiable, et leur besoin de stimulation ne sont pas le résultat d’un entraînement intensif, mais bien d’une particularité innée.
Les enfants HPI sont aussi un groupe extrêmement hétérogène : ils peuvent venir de tous les milieux socio-économiques, avoir des profils intellectuels et émotionnels très différents, et présenter des besoins éducatifs variés.
L’objectif de cet article est de vous donner des pistes pour comprendre ces enfants et leur offrir un cadre dans lequel ils se sentent compris, stimulés et épanouis. Et si cela peut permettre de construire une relation positive entre eux, leurs parents et leurs enseignants, j’en serais plus que ravie 😉
C’est quoi être surdoué ?
Le haut potentiel intellectuel (parfois on entend aussi Haut Potentiel Emotionnel, je vous renvoie à l’article sur le sujet pour comprendre ce que c’est), ce n’est pas simplement un chiffre de QI au delà de 130. Ce n’est pas non plus une liste de caractéristiques à cocher. Ni un résultat, une performance. En fait, le HPI, ce n’est pas le quoi mais le comment. Ce n’est pas le résultat mais le fonctionnement.
Vous trouverez un article complet expliquant ce que signifie être HPI juste ici.
Vous avez également un très bon document sur la scolarisation d’un enfant à haut potentiel et notamment une grille de repérage ici.
Les problématiques des enfants HPI en classe
1. L’ennui : le principal ennemi des enfants surdoués
L’ennui est probablement la problématique la plus courante pour un enfant HPI en classe. Leur curiosité naturelle et leur capacité à apprendre rapidement peuvent les laisser sans stimulation pendant de longues périodes. Cet ennui, non seulement les frustre, mais peut aussi avoir des conséquences négatives à long terme.
Un enfant qui s’ennuie ne va pas toujours manifester son malaise en classe. Il peut choisir de se conformer en silence, mais cette frustration ressort souvent à la maison, sous forme de crises de larmes, de colère, ou de refus de faire des devoirs jugés “inutiles”.
Il est important de se souvenir que cet ennui ne signifie pas que vous avez mal fait votre travail. Parfois, simplement valider leur besoin d’apprendre et leur promettre que vous ferez de votre mieux pour les nourrir intellectuellement peut suffire à apaiser leur frustration.
Valorisez leur curiosité, montrez-leur que vous la reconnaissez.
2. Un manque de sens dans les apprentissages
Les enfants HPI ont besoin de comprendre pourquoi ils apprennent une notion. Ils ont un besoin vital de sens.
S’ils ne comprennent pas pourquoi un sujet est traité, et à quoi cela leur servira, ils auront du mal à s’y investir.
Expliquez-leur l’intérêt derrière ce qu’ils apprennent, même si cela concerne des tâches routinières.
Parfois, il s’agit simplement de leur montrer que certaines choses sont nécessaires pour vivre ensemble harmonieusement.
Les risques si l’ennui n’est pas pris en compte.
Un enfant qui reste confronté à l’ennui sans avoir la possibilité d’exprimer ses frustrations peut finir par se désengager complètement de l’école. Et cela peut se manifester de différentes façons :
- Problèmes de comportement en classe : un enfant HPI non stimulé peut perturber la classe, se montrer insolent ou se disputer avec ses camarades.
- Désintérêt pour l’école : certains enfants finissent par refuser d’aller à l’école ou s’isolent, pensant que le système ne leur convient pas.
- Dévalorisation et peur de l’échec : si un enfant HPI en classe ne rencontre pas de défis scolaires, il peut finir par croire que tout est facile. En conséquence, il évitera de se confronter à des situations où il pourrait échouer, craignant que cela remette en cause sa perception de lui-même.
Ce qu’un enfant HPI a vraiment besoin d’apprendre à l’école
Les enfants HPI possèdent souvent une grande capacité à apprendre seuls les notions théoriques qui les passionnent. Leur curiosité naturelle et leur appétit pour l’apprentissage les poussent à explorer des sujets en profondeur. Souvent de manière autonome.
Cependant, l’école a un rôle clé à jouer dans le développement d’autres compétences, tout aussi importantes pour leur épanouissement à long terme. Et sur lesquelles, parfois, ils ont plus de difficultés.
1. Apprendre la persévérance et la gestion de l’échec
Tous les enfants surdoués ne sont pas brillants à l’école, mais tous ne sont pas en échec non plus. Beaucoup n’ont pas l’habitude de rencontrer des échecs académiques. Très jeunes, ils peuvent assimiler rapidement de nouvelles connaissances sans avoir besoin de méthode d’apprentissage. Et cela peut poser un problème à plus long terme.
Lorsqu’ils se retrouvent face à des défis plus complexes, ils peuvent manquer de persévérance et avoir peur de l’échec. Ce manque de confrontation aux difficultés fait qu’ils n’ont parfois pas appris à gérer l’effort nécessaire pour surmonter un obstacle.
À l’école, il est essentiel de leur offrir des occasions de se confronter à des défis progressifs, de les encourager à persévérer, et surtout de normaliser l’échec. L’échec ne doit pas être perçu comme un frein, mais comme une étape nécessaire de l’apprentissage. L’enseignant joue ici un rôle clé pour les aider à comprendre que le chemin est aussi important que le résultat, et qu’échouer fait partie du processus de croissance.
2. Développer des compétences sociales et le travail en équipe
Les enfants HPI, bien qu’intellectuellement précoces, peuvent avoir des difficultés à collaborer avec leurs pairs. En effet, le travail en groupe peut leur sembler frustrant. Ils peuvent s’impatienter face à un rythme perçu comme plus lent. Ou se sentir incompris dans leurs raisonnements. Pourtant, apprendre à travailler en équipe est une compétence essentielle pour leur vie future, tant professionnelle que personnelle.
L’école est un lieu idéal pour encourager cette collaboration. Proposer des projets de groupe, des échanges et des moments où l’enfant à haut potentiel peut s’enrichir du travail collectif, tout en apprenant à respecter le rythme de chacun, est une excellente manière de l’aider à développer des compétences sociales. Cela lui permet également de comprendre que chacun peut apporter une perspective différente et enrichissante à un projet commun.
3. L’importance d’un suivi adapté aux besoins spécifiques
Bien que le HPI soit une particularité cognitive, il est essentiel de comprendre qu’il ne résume pas tout le comportement ou les difficultés qu’un enfant peut rencontrer. Un enfant à haut potentiel peut avoir besoin d’un suivi particulier si ses difficultés scolaires ou comportementales persistent. Tout ne s’explique pas par la douance. En effet, des comportements provocateurs constants, un désintérêt marqué pour l’école, ou encore des difficultés scolaires importantes peuvent être le signe d’autres troubles sous-jacents, tels que des troubles de l’apprentissage (dyslexie, dyscalculie, trouble du déficit de l’attention, etc.).
Le HPI n’est pas toujours associé à un trouble (ni plus que la moyenne d’ailleurs), mais lorsque c’est le cas, il est important de détecter les deux.
Le HPI peut masquer des troubles d’apprentissage ou des difficultés émotionnelles, un phénomène connu sous le nom de double exceptionnalité. Ces enfants à double profil peuvent passer inaperçus dans un premier temps, car leur douance leur permet de compenser ou de cacher certaines de leurs difficultés. Pourtant, si ces troubles ne sont pas pris en charge, ils peuvent affecter durablement leur développement, leur estime de soi et leur réussite scolaire.
Il est donc crucial que l’enseignant, en partenariat avec les parents et éventuellement un professionnel de santé, prête attention aux signaux qui pourraient indiquer un autre trouble.
Tout ce que vit un enfant HPI en classe (et ailleurs) n’est pas lié à sa douance. Une évaluation complète de l’enfant, incluant un bilan cognitif, peut être nécessaire pour identifier la double exceptionnalité ou une autre difficulté et proposer un plan de soutien adapté. Lorsque ces besoins spécifiques sont pris en compte, l’enfant peut mieux comprendre ses propres défis et être accompagné de manière plus ciblée.
Astuces pour aider un enfant HPI en classe
Ces astuces sont tirées du vécu, le mien, celui d’enseignants qui suivent mon travail, ou celui de petits lecteurs de Rayures et Ratures avec lesquels j’ai longuement parlé d’école.
1. Encouragez leur curiosité en leur offrant des projets personnels
Je crois que la première chose que l’on peut faire, c’est d’identifier les centres d’intérêt d’un enfant HPI. Au moins un (oui parce qu’il peut y en avoir beaucoup, et ils peuvent changer rapidement !)
Ensuite, vous pouvez lui donner l’opportunité d’explorer ce sujets à travers des projets personnels. Vous pouvez par exemple mettre à disposition un bac de ressources. Il pourra piocher à l’intérieur après avoir terminé ses exercices. Cela évitera qu’il ne perturbe la classe et le gardera stimulé.
2. Permettez-leur d’aider les autres
Si un enfant aime aider, encouragez-le à devenir mentor pour d’autres élèves qui ont besoin de plus de temps pour assimiler une notion. Cela l’aidera à développer sa patience et à améliorer ses propres compétences en reformulant des concepts.
C’est un exercice comme un autre, pour travailler ses compétences sociales et sa patience tandis que d’autres travaillent la notion.
3. Favorisez l’expression artistique
Encouragez les enfants HPI à exprimer leur créativité, que ce soit à travers l’écriture, la musique, ou les arts visuels. Après avoir terminé un exercice, vous pouvez leur proposer de rédiger un poème sur le sujet abordé. Ou de faire un dessin en lien avec la leçon.
4. Proposez des missions pour ceux qui ont besoin de bouger
Un enfant HPI en classe, notamment ceux avec un profil TDAH, peut avoir besoin de bouger pour rester concentré. Donner des petites missions peut les aider à canaliser leur énergie sans perturber la classe. Cela peut être la distribution de matériel, ou l’arrosage de plantes.
On en parle dans le livre Rayures et Ratures 2. L’enseignant d’Oswald lui autorise une mission « arrosage de plantes » au péril des plantes pour éviter les perturbations en classe lorsqu’il a terminé son travail 😉
5. Optez pour une évaluation qualitative
Si vous le pouvez (oui je sais, on peut rarement 😉 ), remplacez les notes par une évaluation qualitative. Mettez l’accent sur un retour détaillé et des pistes d’amélioration.
Cela permet aux enfants de ne pas se focaliser uniquement sur la performance, mais sur leur apprentissage.
Se détacher de la performance est un vrai défi pour de nombreux adultes HPI. En parler aux enfants dès le plus jeune âge permet de les aider pour l’avenir !
Si vous êtes enseignant.e, n’hésitez pas à nous partager vos astuces, à nous parler de votre expérience, de vos questionnements. Ce blog est un espace d’échange respectueux dans le but d’améliorer la compréhension du HPI, vos expériences seront d’une grande aide !
Si vous êtes un.e élève ou parent d’élève, n’hésitez pas à raconter votre vécu, à partager avec nous les bonnes idées trouvées par vos professeurs.
Et puis, aussi, qu’aimeriez vous que les enseignant.es sachent autour du HPI ? Qu’aimeriez-vous leur dire ?
Si vous pensez à un.e enseignant.e en particulier, et que vous avez envie de le/la remercier, j’ai une petite carte faite pour ça juste ici. Les mots doux, ça fait toujours plaisir !
Pour en savoir plus sur le haut potentiel intellectuel, ou pour transmettre aux parents et/ou enseignants, vous avez les livres Rayures et Ratures 1 et 2. Et pour parler des émotions avec vos élèves dans les petites classes, c’est l’album jeunesse « Dis Papa, où part ma tristesse quand je suis content? » qu’il vous faut !
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