Ou plutôt, pourquoi savoir qu’on est surdoué (ou HPI, haut potentiel intellectuel, ou zèbre) ne sert à rien.
Alors, je vous l’accorde, cette phrase est un peu provocante. Mais tout est dans la nuance, et dans le sens des mots. Pour moi, vraiment, savoir qu’on est HPI ne sert à rien, mais le comprendre, si. Et elle est là, toute la différence. Je vous explique.
Dans l’article précédent, je vous parlais de l’effet de mode, du fait qu’on entende beaucoup parler du haut potentiel en ce moment, et de l’impact de cette sur-médiatisation sur les personnes en plein questionnement sur elles-mêmes.
Vous êtes nombreux.ses à avoir réagi, en public ou en privé, et à m’avoir confié qu’effectivement, plus on entend parler du haut potentiel dans les médias, plus vous avez l’impression que « tout le monde l’est, de toute façon”, qu’on “identifie n’importe qui”, et vous m’avez posé la question la plus importante à laquelle je n’avais jamais vraiment pris le temps de répondre… :
Finalement, à quoi ça sert de savoir si on est surdoué ou non ?
1. Dans quel cas savoir qu’on est surdoué.e ne sert à rien.
Quand tout va bien !
Eh oui, si tout va bien, pourquoi s’embêter à passer des tests pour savoir si on est à haut potentiel ? Quel est l’intérêt ?
De la même manière, il est inutile d’inciter quelqu’un qui va bien et qui n’a rien demandé à personne à passer un test, si c’est juste pour confirmer ou infirmer notre intuition sur cette personne. Ça peut paraître bizarre, dit comme ça, mais on m’a déjà posé la question.
Pour savoir si on est HPI / zèbre / surdoué, il faut passer un test, le WAIS quand on est adulte, le WISC pour les enfants (les seuls tests officiels à l’heure à laquelle j’écris ce billet). Si vous avez lu cet article, vous saurez que ce qui importe, ce qui aide, c’est l’analyse de son propre fonctionnement faite par le psychologue. L’analyse des résultats du test, plus que le résultat en lui-même. Ce qui permet d’avancer, c’est de comprendre comment on fonctionne, d’avoir des informations concrètes sur son raisonnement, pour pouvoir les utiliser par la suite au quotidien.
On ne passe pas un test par curiosité, pour savoir si on appartient à telle ou telle catégorie. Ou, si certains le font, j’ai du mal à en voir un intérêt autre que de se mettre soi-même dans une case pour le plaisir, et non pour en sortir mieux informé et mieux armé.
Si vous avez entendu parler du HPI à la télé ou lors d’une discussion à la machine à café, et que vous vous êtes lancé le défi de savoir qui de votre groupe de collègue est HPI et qui ne l’est pas, je doute que cela ait une réelle utilité.
Alors, avant de passer le test, on se demande… pourquoi. Pourquoi est-ce qu’on veut le passer ? Et c’est ce questionnement qui fera avancer.
2. Dans quel cas c’est important de comprendre que l’on est surdoué.e.
Si vous vous posez la question de savoir si vous êtes HPI ou non, et à quoi ça sert, si vous cherchez sur internet, si vous tombez sur mon travail et que vous le lisez, c’est qu’il y a quelque chose qui vous intrigue, qui vous préoccupe, au-delà de la simple curiosité. C’est qu’il y a peut-être une donnée qui a fait écho à un ressenti, un petit quelque chose qui vous fait souffrir, et dans ce cas précis, savoir si on est surdoué ou non (ou plutôt : “ou autre”) va apporter plein d’informations.
N’ayez pas peur des étiquettes. Ce n’est pas juste une étiquette, une case ou une catégorie. C’est un processus de découverte, un concept qui permet d’apprivoiser un fonctionnement. Regardez la toute première illustration de l’article à nouveau. Quand on a un simple libellé, une case vide, on rentre dedans. Et c’est tout. Quand cette case est pleine d’informations, on grimpe dessus, et on a l’élan nécessaire pour aller plus loin.
Avant d’écrire Rayures et Ratures 2 : Pour la Vie, j’ai passé deux ans à discuter avec des zèbres de tous les âges et tous les profils, détectés à différents moments de leur vie. J’en ai profité pour leur demander à quoi ça leur avait servi, et en quoi ça les avait aidés (ou non), de comprendre qu’ils étaient à haut potentiel intellectuel.
Voici un pêle-mêle de leurs réponses.
3. À quoi ça sert de savoir qu’on est surdoué.e ?
1- À réaliser qu’on n’est pas seul, qu’on a une place dans le monde nous aussi.
Pour beaucoup, moi y compris, la découverte de notre fonctionnement a permis de réaliser que s’il y a un nom pour notre façon de raisonner, c’est que nous ne sommes pas les seuls à fonctionner de cette manière. On réalise aussi qu’on a une place dans ce monde, nous aussi. Quand on a souvent eu l’impression d’être à côté de la plaque, quand on s’est toujours senti différent.e, c’est rassurant, réconfortant, et ça redonne de l’élan !
2- À apporter validation et reconnaissance.
Ceci est un extrait de Rayures et Ratures 2 : Pour la Vie (sortie le 8 septembre 2021)
Parfois, la reconnaissance de l’atypie apporte la confiance qu’il manquait.
Les choix de Dominique, 51 ans, ont toujours été questionnés par son entourage. Son parcours a toujours été qualifié d’atypique, et jusqu’à l’année dernière, cela lui procurait une grande insatisfaction. Le besoin de reconnaissance et de validation de Dominique était si fort qu’il l’empêchait d’apprécier les décisions qu’il avait prises et le chemin qu’il avait emprunté. Et puis, un peu par hasard, à 50 ans, Dominique a découvert qu’il était surdoué. Il n’était pas tellement motivé à l’idée de creuser ce sujet, ne voyant pas bien ce qu’il pouvait lui apporter, alors qu’une grande partie de sa vie était déjà jouée. Une intuition l’a tout de même poussé à se renseigner, lire, interroger, consulter. Et finalement, la découverte de son atypique lui a apporté la validation qu’il attendait et l’a conforté dans le chemin qu’il s’est construit.
“M’entendre dire officiellement que je suis atypique, c’était la petite chose qui me manquait pour me rendre compte que ma vie me plaisait, et que l’insatisfaction que je ressentais venait simplement de l’importance que j’accordais au jugement des autres. […] “
Dominique, dans Rayures et Ratures 2 : Pour la Vie
(Fin de l’extrait)
3- À comprendre les malentendus.
Pour Katia, comprendre son fonctionnement a permis de dissoudre quelques malentendus, avec les autres et… avec elle-même. Elle a réalisé qu’elle n’utilisait pas le bon mode d’emploi, qu’elle se forçait à copier une méthode et une logique qui n’étaient pas les siennes. C’est un peu ce que j’ai ressenti aussi, et comprendre mon fonctionnement m’a permis d’arrêter de me forcer à entrer dans un moule qui ne m’allait pas, et d’assumer le besoin que j’avais de prendre des chemins parallèles.
Ce sentiment a été partagé par de nombreux zèbres qui ont témoigné dans Rayures et Ratures 2. Ils me racontaient la découverte de leur “vrai-self”, la prise de conscience de leurs besoins, de leurs envies. Petit à petit, ils ont appris à retrouver leur propre logique et se sont autorisés à être tels qu’ils étaient et non plus tels qu’on attendait qu’ils soient.
4- À mieux vivre ensemble.
Quand on découvre sa douance, on obtient des informations sur soi, sur son fonctionnement, mais aussi sur le fonctionnement des autres ! Ce n’est pas à une majorité de s’adapter à une minorité, ni à une minorité de s’adapter à une majorité, c’est à chacun de faire des efforts pour comprendre, questionner et communiquer. Mais pour les faire, encore faut-il avoir conscience que chacun fonctionne différemment.
Ces nouvelles données sur soi, sur les autres, ainsi que la conscience des différences de fonctionnement permettent alors d’identifier la cause de certains malentendus, et de pouvoir s’adapter pour mieux vivre ensemble.
5- À adapter la scolarité.
Pour les enfants, détecter un haut potentiel intellectuel (ou toute autre particularité) permet d’identifier ses besoins spécifiques et d’adapter l’éducation en fonction, qu’il s’agisse d’une classe particulière, d’une méthode d’enseignement, d’un accompagnement ou simplement d’ajustements au quotidien. Comme Oswald, qui raconte dans Rayures et Ratures 2 qu’il était turbulent en classe parce qu’il s’ennuyait, et qui, depuis que son enseignant a compris, avec l’aide de la psychologue scolaire, qu’il ne manquait pas tant de stimulations intellectuelles que de stimulations physiques, est plus épanoui et calme en classe. Quand il a terminé ses exercices, il se lève pour arroser le petit potager sur le rebord de la fenêtre, et cela lui permet de rester concentré le reste du temps (en revanche si vous avez lu le livre, vous savez ce qu’il s’est passé avec les plantes ahah!).
(C’est un exemple parmi tant d’autres, chaque enfant surdoué a ses propres besoins)
6- À arrêter de penser qu’on est un problème (ou qu’on a un problème)
Parfois, le sentiment de décalage est si intense qu’on a vraiment l’impression d’avoir un problème, une pathologie, que quelque chose ne tourne vraiment pas rond, que ce n’est pas normal. On peut alors tomber là-dedans :
En apprendre davantage sur son fonctionnement, découvrir sa particularité, donne alors une grille de lecture sur le passé, le fameux “aaah mais c’est pour ça que…”, et permet de comprendre que ce n’est pas une maladie.
On n’a pas un problème, on n’est pas un problème, on est juste comme ça, voilà.
Bon, j’ai écrit “voilà”, mais ce n’est pas aussi simple. Il faut intégrer sa particularité pour prendre ce recul et réaliser en quoi cela nous a aidé de savoir qu’on était HPI. Sur le moment, c’est plutôt une impression de grand chamboulement, on est un peu perdu.e et on ne sait pas trop à quoi ça va nous servir.
Mais chaque chose en son temps, et c’est dans de prochains articles que je vous parlerai des différentes étapes d’intégration du HPI, ainsi que de ce moment que beaucoup appréhendent, ce moment où l’on se demande si on est HPI ou non, on enquête, on investigue, on passe le test, et on réalise que… non, on n’est pas HPI.
Du coup, je vous dis à très bientôt pour ce prochain article,
Chloé
17 Commentaires
Bonjour Chloé,
Cet article ne pouvait pas mieux tomber!
J’ai appris hier et avec surprise que je suis HPI… c’est la 1ère fois que je l’écris et cela me fait bizarre d’ailleurs.
J’ai passé un test chez un psy car je pensais avoir un TDA, mais j’hésitais aussi avec de l’hyper-sensibilité. Le résultat a été plus que surprenant pour moi ! Et je suis ressortie du cabinet avec ce questionnement « Qu’est-ce que je vais faire de ça maintenant ?! ».
Donc je le redis, votre article tombe vraiment à pic 🙂
Je vais maintenant acheter vos 2 livres et me plonger dans vos articles que je découvre (je vous suis sur Insta depuis quelques semaines, mais je découvre votre blog ce matin).
Merci à vous pour vos écrits 🙂
Merci beaucoup Lucille ! C’est le début d’un long chemin de découvertes 🙂
Je vous conseille aussi de lire le témoignage d’Alice sur le blog, il retrace son cheminement entre le moment où elle s’est dit « qu’est-ce que je vais faire de ça maintenant? » et aujourd’hui 🙂
Je vais lire ce témoignage
Merci pour votre travail de vulgarisation, cela va m’aider à comprendre et faire comprendre cette particularité.
Votre blog est super, une vraie mines d’info!
Même si, vous l’imaginez bien, mon esprit vit de véritables montagnes russes entre l’excitation* de tout découvrir/apprendre, et une peur du vide/de l’immensité
*ce n’est pas le mot juste mais je ne trouve pas celui qui correspond. Et comme je viens de lire votre article qui concerne justement l’importance du vrai sens des mots choisis par les zèbres, je comprends enfin pourquoi je mets tant de temps à écrire des sms/mails/cartes/etc !!! pourquoi j’ai cette obsession de précision dans le sens des mots, les tournures de phrases, les ponctuations, tant à l’écrit qu’à l’oral…
Un nouveau monde s’offre à moi !
Bonjour Chloé, analyse toujours pertinente et agréable à lire
Merci Jacques, contente que cela t’ait plu !
Bonjour et merci pour cet article. Je me pose beaucoup de questions depuis des années et savoir si je suis HPI expliquerait beaucoup de choses dans ma vie. Je suis actuellement suivie par une psychologue pour à la base un burn out professionnel et elle a évoqué la douance plusieurs fois. Elle m’a invitée à passer des tests (qu’elle ne fait plus) dans un centre spécialisé. Seulement le test est très onéreux et j’avoue que j’ai un peu la « flemme » de le faire car dans ma tête, je pars déjà du principe que je vais avoir un score pourri et que forcément je serai déçue. Je suis à mi chemin entre être convaincue de l’être et d’un seul coup me résigner en disant que c’est pas possible et que je me mets trop sur un piédestal. J’ai besoin d’avoir une « validation » d’un professionnel sur cette douance potentielle. Mais les tests ne m’enchantent guère. Je suis comme ça et voilà tout !
En tout cas merci pour cet article, toujours très intéressant comme le reste 🙂
A bientôt
Merci pour ce témoignage ! Il faut parfois attendre un peu avant d’être vraiment prête à le passer, et c’est OK 🙂
Salut Laure,
j’ai fini par faire le bilan de QI après mon burnout. Il vaut mieux avoir repris du poil de la bête avant de le faire sinon, il n’est pas très représentatif.
Néanmoins, une fois le bilan en main, il peut rester encore du chemin à parcourir pour se remettre sur les rails d’une vie sereine.
Le truc sympa, c’est qu’on a un éclairage de plus sur notre fonctionnement et qu’on peut ainsi faire des choix qui le respectent mieux.
Pour ma part, ça m’a permis de mieux comprendre ma sensation de décalage fréquent et de choisir quand je m’adapte et quand je peux éviter d’avoir à le faire pour me préserver.
Ça me parle bien cet article. J’ai un peu un parcours que j’ai suivi il y a quelques années en faite 🙂 après avoir beaucoup réfléchi ! L’important c’est de comprendre son fonctionnement même au delà que savoir qu’on est HPI. Bien sur lorsque qu’on a ce diagnostic, on est plus guidé sur ce qu’on doit chercher ;). Pour la petite histoire, j’avais un ami qui se questionnait beaucoup, et dans le fond je me doutais qu’il était HPI. Je lui en ai parlé mais il n’a jamais voulu faire ce test. Par contre il a beaucoup regardé les ressources que je lui ai donné et à pu réfléchir sur son fonctionnement. Il s’est beaucoup reconnu sur le fonctionnement HP mais sans vouloir « l’étiquette ». Dernièrement il m’a dit (ouvrez les guillemets) « pendant 35 ans je faisais tout ce que les gens me disait de faire » (besoin d’acceptation sociale) mais maintenant non ^^ ». (j’étais comment dire… un poil pareil ^^) C’est une grosse avancée car il se sent beaucoup mieux maintenant qu’il a revu sa manière d’interagir avec les gens. On parle souvent de nos fonctionnements et c’est cool on trouve beaucoup de point commun, c’est enrichissant. #findelarédaction
Merci pour ce témoignage ! 🙂 J’étais… un poil pareil également ahah !
Immense merci pour ce blog. J’ADORE votre article et les témoignages dans lesquels, presque incrédule, je me reconnais… ! Génial de se sentir moins seule…
Merci à vous Patricia pour ces mots ! 🙂
Il y a 2 ans, une connaissance elle-même hpi m’a dit que j’étais comme elle. Je n’avais jamais entendu parler de ce terme, je ne savais même pas qu’il existait d’autres personnes comme moi.
Depuis, je me suis énormément documentée, et je m’y retrouve complètement.
J’aimerais passer le test mais j’hésite. Si j’apprends que je ne le suis pas, ça confirmera que je suis juste une paumée incompatible avec la société.
On me reproche une absence d’empathie (totalement faux, c’est hélas tout le contraire), de ne m’entendre avec personne (absolument aucun ami) ou de me disputer avec les rares connaissances que je peux avoir. La situation actuelle amplifie ce phénomène de mise à l’écart car j’ai des valeurs, pensées et convictions qui sont mal vues par la quasi intégralité de mon entourage. Je suis très lucide et visionnaire et passe pour une folle. Ce test, j’ai envie de le passer pour me donner une légitimité d’exister comme je suis, telle que je suis… mais voilà, j’hésite. Difficile quand personne autour de soi ne nous comprend ou ne nous perçoit dans notre authenticité.
Bonjour Sonia
Joli message qui me touche. En ce qui concerne l’impression de désert relationnel, j’ai observé avec empathie les gens depuis 50 ans, et j’ai compris qu’il y avait, outre la douance, cinq manières d’être bien différentes entre les gens. Et qu’il est plus simple de commencer par des relations avec des personnes partageant notre manière d’être. Curieusement, j’ai observé qu’elles dépendent de l’année chinoise de naissance. Tous ne seront pas des amis, car il existe de nombreux autres paramètres comme le vécu infantile ou la personnalité; mais au moins on les comprend en partie et la relation a un sens.
J’aimerais pouvoir vous aider en mettant à votre service ces 50 années d’expériences (et 5 000 biographies décodées avec empathie) !
Cordialement
Dominique
[…] également l’image que Chloé Romengas donne dans son article. Le HPI est peut-être une case. Une étape dans votre vie, que vous pourrez prendre pour vous […]
Bonjour,
J’ai un ami qui a passé les tests étant petit, il ne l’était pas. Il les a repassé vers sa vingtaine, il l’était !. Comment expliquer cela ? C’est donc, pas un petit peu, du pipo, tout ça. Les tests sont propres surtout à ceux qui les font. Et c’est surtout un moyen de se reconnaitre dans le monde. Mais, le diagnostic peut être à double tranchant.
Bonjour tous z’et toutes. Merci Audrey. Pour ton terme. Un couteau qui coupe des 2 côtés? Double peine. Je serais… pfiou et maintenant j’en fais quoi ??? Je comprends toujours rien à rien. Au bout de 53ans. J’offre quoi à ma fille de 16ans qui l’est aussi (dommage?).