Ça n’aura échappé à personne, on parle de plus en plus des personnes surdouées dans les médias. Comme on en parle partout, on lit de plus en plus qu’être « zèbre », c’est devenu une mode.
J’ai toujours eu à cœur de rester en dehors des polémiques sur la thématique de la douance, et je n’ai jamais souhaité commenter l’actualité. D’autres sites se sont spécialisés sur les questions de définition et d’actualité scientifique du HPI (haut potentiel intellectuel), mais moi, ce qui m’intéresse, sur ce blog et dans mes livres, c’est de parler des gens, et de parler aux gens.
À ces personnes qui ont été détectées haut potentiel, qui ont un proche concerné, ou qui se posent des questions et veulent en savoir plus sur ce sujet. Pour cela, j’échange quotidiennement avec les lecteurs sur les réseaux sociaux.
Et de plus en plus, ces dernières semaines, j’ai reçu des messages comme ceux-ci :
Je ne sais pas si je suis haut potentiel, mais ma psychologue m’a conseillé de commencer à me renseigner sur le sujet. Tout ce que je lis me parle énormément, mais j’ai honte de succomber à cette mode des surdoués alors je n’ose pas creuser davantage, ni même en reparler à ma psychologue. Comment distinguer un effet de mode d’un vrai sujet?
Nathalie
J’ai découvert le HPI et tout ce que j’apprends sur ce fonctionnement me rassure et fait écho. Mais quand j’en ai parlé à une amie, elle m’a répondu: “C’est la mode, ça te passera”. Je n’ose plus en parler à mon entourage, et je n’ose pas non plus en parler avec un professionnel, j’ai peur qu’on se dise “encore une qui se pense surdouée alors qu’elle est juste mal dans sa peau ».
Manon
J’ai commencé une thérapie il y a quelques mois, je m’apprêtais à passer le test WAIS pour en savoir plus sur mon fonctionnement, mais je sature des “zèbres” ou “HPI”. Tout le monde s’auto-proclame zèbre en ce moment, alors j’ai annulé la passation du test, j’ai un rejet complet de ce sujet (bon peut-être pas total puisque je suis là à vous écrire un mail alors qu’on ne se connait pas et qu’il est 2h14 du matin). Est-ce que cela arrive à d’autres personnes ? Est-ce qu’on propose de passer le test à tout le monde ?
Emmanuel
Le volume de messages allant en ce sens m’a rendue triste.
Alors, j’ai repris mes crayons et mon clavier pour partager ma pensée sur cet effet de mode, cette sur-médiatisation, sur les turbulences que vit le monde de la douance aujourd’hui. Pour ces personnes-là.
Si vous avez déjà pensé comme sur l’image qui suit :
Vous êtes au bon endroit, et j’ai des choses à vous dire !
1. Quand on parle énormément d’un sujet dans les médias, ça agace. Vraiment. Moi la première. Qu’il s’agisse de la covid19 ou du HPI. Et quand on est agacé, on réagit.
Laissez-moi vous présenter quelques réactions différentes face à cette sur-médiatisation.
Elle concerne des personnes qui manquent certainement de confiance en elles puisqu’elles se sentent comparées et vexées lorsqu’elles entendent parler du HPI. Elles ont l’impression que sensibiliser sur la thématique des personnes surdouées, c’est être sectaire, et c’est rabaisser toutes les autres personnes qui ne sont pas surdouées.
Elle concerne les personnes qui rejettent catégoriquement ce sujet. Elles ne souhaitent pas s’y intéresser pour comprendre, soit parce qu’elles ont autre chose à faire, soit parce qu’elles nient carrément l’existence du haut potentiel. Généralement, ce type de réaction renforce les stéréotypes puisque les personnes n’iront pas chercher davantage d’informations que ce que le mot “surdoué” ou “hpi” évoque en elles au premier abord.
Cette réaction, c’est celle qu’ont eu Nathalie, Manon ou Emmanuel. Elle concerne ces personnes qui n’osent plus se renseigner sur le sujet alors qu’il leur parle, qu’ils sentent qu’ils auraient envie/besoin de le creuser, de peur des remarques. Ils n’osent pas s’interroger sur un éventuel haut potentiel car… “et si je ne l’étais pas, j’aurais tellement honte d’avoir imaginé que je pouvais l’être, et tellement honte d’avoir succombé à cette mode!”
Spoiler : Il n’y a jamais de honte à se renseigner sur un sujet, car si on ne se pose pas de question, on ne risque pas de trouver de réponse. Mais nous y reviendrons un peu plus tard dans l’article, promis !
Cette réaction-là, c’est celle que peuvent avoir les personnes qui ont déjà été identifiées HPI, mais qui n’osent plus trop en parler, même lorsque cela pourrait leur être utile, comme à l’école, de peur des “encore un parent qui pense que son petit trésor est surdoué juste parce qu’elle a lu un témoignage dans lequel elle le retrouve…”.
Celle-ci, je vous en parle en fin d’article !
Eh oui, moi aussi ça m’agace d’entendre “HPI” à toutes les sauces, et chez moi aussi, ça me provoque une réaction ! Je l’ai catégorisée, car je sais que plusieurs personnes qui sensibilisent ou travaillent au quotidien autour du haut potentiel la partagent.
La “Chloé”, c’est la réaction des personnes qui travaillent sur le sujet depuis plusieurs années, et qui, quand elles voient qu’on en parle de plus en plus et dans tous les sens, ont envie de fuir, de travailler sur autre chose, parce qu’elles ont honte d’être assimilées à cette sur-médiatisation, qu’elles ont peur qu’on leur reproche de “profiter de l’effet de mode” et de faire partie du “business des surdoués”.
2. Il y a aussi différentes visions du HPI, alors c’est difficile de s’y retrouver.
Oui, le business des surdoués existe vraiment, et j’en avais déjà parlé dans cet article. Quand un sujet devient très visible, ça fait réagir, et pas seulement le grand public.
Dans la sphère professionnelle de la douance aussi, il y a des turbulences.
A. Les charlatans
Plus on parle d’un sujet, plus certains peuvent y voir une niche profitable, et s’en emparer dans le seul but de faire des affaires. Des charlatans, il y en a partout. Mais je suis optimiste, et j’ose douter qu’ils représentent la majorité. Cela dit, je comprends que quand on se renseigne depuis peu sur le sujet du HPI, on puisse avoir peur de tomber sur ces personnes peu scrupuleuses. Mais quand on reste dans le questionnement, la réflexion, et pas dans la solution miracle pour “bien vivre avec ses émotions et son haut potentiel”, pas d’inquiétude.
B. Une multitude de termes et de visions du HPI, alors… qui croire ?
On cherche encore à définir et préciser le haut potentiel intellectuel, il y a toujours des zones d’ombre, alors, évidemment, il y a différentes écoles, différents courants de pensée, et petit à petit chacun prend position sur ce sujet sensible.
Des camps se créent. Les pro “telle psychologue”, les pro “telle autre psychologue”, les pro “tel terme pour désigner ces personnes”, les pro “tel autre terme”.
Chacun a sa vision des choses, que je respecte tant que l’objectif est d’aider sincèrement les gens sans leur mettre de fausses convictions en tête. Je ferai d’ailleurs un article très prochainement avec les différents sites et leurs approches complémentaires de la douance pour ceux qui ont envie de creuser des sujets particuliers (plutôt statistiques, plutôt études, plutôt témoignages, plutôt clinique, etc).
Mais quand un sujet est aussi visible que le HPI l’est aujourd’hui, les divergences le sont aussi. On donne facilement son avis sur la crédibilité ou la compétence d’un autre, et les critiques sont de plus en plus virulentes.
Et ça, ça peut intimider ou perdre les gens qui se renseignent sur le sujet depuis peu.
Comme Thibaut, qui m’a écrit ce message :
Je viens d’être identifié haut potentiel et je ne suis qu’au début du chemin de découverte et d’acceptation de ma particularité. Dès que je lis quelque chose sur le sujet, j’ai l’impression que quelqu’un d’autre le démonte et crie à la désinformation. Je trouve très difficile de savoir qui croire, à tel point que j’ai envie d’oublier que je suis zèbre.
Thibaut
C’est vrai, on s’y perd tant il y a de multiples nouveaux termes pour essayer de désigner au mieux cette particularité, et de nouvelles polémiques.
Pour vous donner un exemple, on me reproche souvent l’utilisation du mot “zèbre” sur mon blog. Zèbre serait, selon les critiques reçues, un mot qu’utilisent “ceux qui font du business sur le dos des malheureux et qui sont contre les données scientifiques”. Tandis que, pour moi, zèbre est synonyme de HPI, précoce, surdoué, et je l’utilise ici parce qu’il a une histoire.
Et puis, d’autres personnes me reprochent à l’inverse de me cantonner aux études scientifiques lorsque je ne partage pas un ressenti personnel ou un témoignage, et de refuser de généraliser un comportement s’il n’est pas prouvé scientifiquement.
Vous l’aurez compris, quoi qu’on fasse, quoi qu’on dise, quand un sujet fait toutes les unes, il est forcément très critiqué, divisé, et on s’y perd un peu.
Alors je comprends tout à fait les inquiétudes des personnes qui n’osent plus trop se renseigner sur le sujet bien qu’il résonne en elles.
Mais rassurez-vous, vous pouvez utiliser le terme que vous voulez, ou même plusieurs, vous pouvez piocher dans chacune des visions, le but étant simplement d’avancer en se questionnant.
C. Surdoué, un concept « fourre-tout ».
Quand on parle de plus en plus d’un sujet, enfin, on a souvent l’impression qu’il devient “fourre-tout”. Et c’est sûrement cela que craignent Emmanuel, Nathalie et Manon quand ils m’avouent avoir honte de se renseigner sur le sujet puisqu’il est “à la mode”.
Avant de parler de ce concept “fourre-tout”, je vous laisse avec ce jeu des différences :
Vous les avez ?
HPI ou surdoué est effectivement un concept “fourre-tout” si on affirme qu’un enfant est HPI simplement parce qu’il exprime un mal-être à l’école.
C’est effectivement un “fourre-tout” si on affirme que l’on est HPI parce qu’on s’est reconnu dans le témoignage d’une personne qui change régulièrement d’emploi.
Ce n’est pas un fourre-tout si on se demande si un enfant est HPI parce qu’il exprime un mal-être à l’école.
Ce n’est pas un fourre-tout si on se demande si l’on est HPI parce qu’on s’est reconnu dans le témoignage d’une personne qui change régulièrement d’emploi.
3. En fait, il n’y a rien de plus sain que de se poser la question de savoir si on est HPI !
Peu importe que le sujet soit à la mode ou non, peu importe qu’on en entende parler dans tous les sens, peu importe que l’on se retrouve confus au milieu de toutes ces informations parfois contradictoires sur la douance, se demander si on est HPI, ce n’est pas une honte, c’est bien. Parce que c’est peut-être pas ça, mais c’est le début d’un processus de questionnement. Et si on ne se pose pas de question, on ne peut pas trouver de réponse.
Alors si vous me lisez, et que la sur-médiatisation de la douance vous a freiné.e dans votre recherche, n’ayez crainte, vous avez le droit de penser que vous êtes peut-être zèbre, que votre enfant l’est peut-être.
Vous avez le droit de vous renseigner, d’en parler, de vous questionner.
Le risque, c’est la sur-attribution dont on parle ici. C’est d’affirmer sans savoir. C’est de s’engouffrer tout droit dans une direction parce qu’on est persuadé que c’est la bonne, et refuser par la suite d’en changer même si on se rend compte que ce n’est pas la bonne. C’est de s’enfermer dans un mot, un concept, une étiquette, sans chercher à la comprendre.
Mais s’interroger, se questionner, chercher de l’information, c’est plutôt très très sain en fait.
4. Finalement, c’est plutôt une bonne nouvelle, que ce soit la mode « des surdoués » !
Elle est là, la réaction “surprise” :
Cette réaction, c’est la réaction optimiste réaliste, celle des personnes qui, face à cette hausse de visibilité de la douance, trouvent ça plutôt positif.
Parce que, plus on en entend parler , plus des personnes pourront se questionner sur elles-mêmes, et trouver des réponses, même si elles n’ont rien à voir avec le HPI au final. Parce que ce qui importe n’est pas de savoir si on est HPI ou non, c’est la réflexion qui permet de comprendre qui on est.
Parce que, comme l’a dit Marianne Bélanger, neuropsychologue spécialisée dans la douance : « C’est une mode. Tant mieux. C’est ça qui est bon, c’est ça qui fait qu’on avance comme société parce qu’on a cette conversation-là ».
Parce que, plus on en entend parler, plus vite le sujet deviendra banal et on pourra en parler sans crainte des remarques et réflexions.
À Manon, Nathalie, Emmanuel et à tous les autres que le phénomène de mode autour de la douance a pu freiner, gêner, rebuter, détourner, décourager, j’espère que ce long article vous aura rassurés quant à la légitimité de votre questionnement.
Ces turbulences ne dureront pas. Petit à petit, on retrouvera un équilibre. Peut-être que dans quelques mois/années, on entendra très peu parler du HPI. Mais ce sera parce qu’on l’aura pleinement intégré, et que ce ne sera plus du tout tabou !
Oui, la rédaction de cet article m’a permis de passer de la réaction “Chloé” à la réaction “optimiste réaliste” ! Et vous, quelle est votre réaction face à la médiatisation du HPI ? Vous pouvez en inventer d’autres, je leur donnerai vie en dessin sur Instagram, promis ! En attendant, je vous dis à dans 15 jours pour un nouvel article !
15 Commentaires
Merci pour cet article clair, plein de douceur, et si positif
Après l’effet mode, les zèbres seront enfin intégrés et qui sait peut être compris ….
L’essentiel étant sue nous réussissions à nous comprendre nous meme pour « mieux nous vivre »
MERCI
Exactement, et c’est ce que je souhaite à tous 🙂
Merci beaucoup pour vos retours sur l’article !
Mes parents me l’on caché ( que je suis surdouée) pendant des années et ne me l’on révélé que l’année de mes onze ans. Ça a été un choc pour moi. Actuellement, je le vis comme je l’ai toujours vécu et j’y pense pas trop. En revanche, lorsque je suis malheureuse (problèmes à l’école, dûs à mes difficultés à devenir amie avec les gens de mon âge ), ça me soulage un peu quelque part que ça porte un nom et que je ne suis pas la seule . J’ai entendu une fois ma mère parler au téléphone en parlant du mot « zèbre » et je viens tout juste de comprendre. Voilà .
J’adore, ça fait tellement de bien de lire ces propos nuancés. C’est ce qu’on oublie souvent : la compréhension de son propre fonctionnement est ce qui est le plus important au final, plus important qu’une « étiquette » (qui peut au demeurant aider certain.es à intégrer ce qu’ils.elles sont, dans un premier temps en tout cas). Merci! ❤️
🙂 🙂 🙂
« Le risque, c’est la sur-attribution dont on parle ici. C’est d’affirmer sans savoir. C’est de s’engouffrer tout droit dans une direction parce qu’on est persuadé que c’est la bonne, et refuser par la suite d’en changer même si on se rend compte que ce n’est pas la bonne. » Typiquement un comportement de neurotypique (le manque de remise en question) alors que le surdoué doutera lui qu’il en est, même après les tests. C’est ça le plus difficile en cette période finalement, oser affirmer qu’on l’est (pour de vrai) alors qu’il n’y a plus que des imbéciles qui le disent.
Merci encore, cette bienveillance fait beaucoup de bien.
[…] écrit un excellent article à ce sujet, toujours avec beaucoup d’humour, intitulé : ” Est-ce que je succombe à un effet de mode si je me demande si je suis surdoué ?“. Je vous en recommande chaudement la […]
L’humour ,j’adore…moyen fabuleux. J’ai beaucoup apprécié cette analyse qui retrace les méandres que certains ont traversé et traversent encore
Enfin un texte réconfortant qui permettra à certain de se sentir écouté , compris et un peu rassuré
Merci
Merci beaucoup 🙂
J avais un peu lâché la lecture des articles, mais quel plaisir de vous lire. C est effectivement au travers de mon fils identifié et testé HPI dès 6 ans, car comportement très singulier des qu il est e ntré a l école. Beaucoup de suivis psychomoteurs, psychologues, avant 10 ans. A travers lui, j ai compris ce que je suis peut-être, votre article m à aidée pour me remettre dans ma recherche de qui je suis. Merci
Ah merci ça me fait plaisir 🙂 Et bonne recherche 🙂
Petit, je faisais le mont St Michel en glace quand les autres faisaient des bonshommes de neige. À 14 ans, je crisais pour visiter Ephese quand d’autres voulaient juste aller à la plage…. Et je ne le regrette pas. HPI, ou HQI c’est souvent voir le monde différemment et une source de plaisirs infinie. On ne le choisis pas, on en souffre parfois. On est tellement à coté de la plaque que les attaquent des autres tombent à l’eau. En fait, on est comme on est et pour ma part, je suis heureux !
Avant de tomber sur ce blog complètement par hasard (je cherchais des images de harcélomètre sur internet et j’ai trouvé votre article sur le harcèlement, ensuite j’ai lu tous les autres), je n’avais encore jamais entendu des HPI/zèbres/tous ces mots bizarres . (En même temps, j’ai que 14 ans…)
Du coup, je ne m’étais jamais dit que « c’était la mode » et n’avais pas de clichés dessus. Mais maintenant que j’ai lu TOUS vous articles (ils sont tellement passionnants, bien écrits et je m’y reconnais), c’est là que je commence justement à en entendre parler au collège. Dans ma classe, mes camarades se disent l’un l’autre « Et toi, tu es HP ? » ou « Je suis sûr qu’untel est HPI, il a de bonnes notes ! ». Et ça m’énerve. Maintenant que je suis bien informée sur le sujet, j’aimerais que les autres le soient aussi. Mais ils n’ont pas eu la chance de lire ce super blog !
Merci beaucoup pour ce message 🙂 Je partage le même énervement et la même volonté que tout le monde soit bien informé sur le sujet, c’est ce qui m’anime chaque jour à continuer ce blog 🙂 Merci pour ce message qui m’encourage et bon courage pour le collège !